Le Japonais assis en face de lui arque les sourcils, glissant une nuance d’étonnement dans son masque impassible. " Ah bon ? Parce que tout le monde n’en est pas là ? "
Le rire du blanc retentit dans le bar presque vide. " Hé ben ! Quel bordel ce doit être, sur ta planète..."
Konstantin est flic. Et aujourd’hui elle a un meurtre sur les bras. C’est son boulot me direz vous ? En effet, sauf que là, l’homicide s’est fait dans un lieu clos sans possibilité de s’ouvrir de l’extérieur. Et que la victime était en plein dans le monde virtuel lorsque cela s’est produit. Et coïncidence ou pas, la mort réelle s’est produite en même temps que sa mort virtuelle. Le monde virtuel est-il maintenant de franchir la barrière qui sépare le virtuel du réel ?…
1998.
Ce roman a été écrit par
Cadigan
relativement tardivement par rapport au mouvement cyberpunk, qui date quand même des années 1985-1986, avec les figures de proue, le pape de la cyberpunk Gibson et Neuromancien, Sterling et sa Schismatrice, et enfin Williams avec Câblé. Ils avaient exploré à eux trois l'essentiel de la culture cyberpunk en épluchant les sub-cultures, le côté société et le côté plus action des branchés accros du réseau.C’est pourquoi je me demandais ce que pouvais apporter, si tard, un roman supplémentaire. A l’aube du XXIème siècle, ce mouvement était, je me disais, plutôt destiné à muter vers quelque chose de plus grandiose. D’où ma curiosité.
L’univers virtuel.
En fait,
Cadigan
bâtit quasiment son roman sur l’exploration du monde virtuel, un peu à la manière de Stephenson dans Samouraï virtuel. Ce qui est intéressant dans ce roman est la description de cette ville anarchique mais en même temps une ville où la notion économique est presque quasi continue. Cela est vrai aujourd’hui sur les réseaux : nous nous connectons un certain temps au réseau et cela nous coûte tant par mois. Les fournisseurs d’accès ont les solutions d’accès illimités, mais il n’y a pas si longtemps, les communications en heures allaient sur notre facture téléphonique. Ici, les points d’information sont aussi longs et aussi énervants à utiliser que les hotlines (temps d’attente parfois très long, passer de service en service peut allonger la note très facilement, sic).Mais cela n’est que l’un des aspects de l’univers que nous propose
Cadigan
. L’essentiel est cette interface entre le réel et le virtuel. On peut se poser la question de la façon dont le virtuel pourrait tuer une personne en réalité avec une connexion. Gibson nous parlait de personnes qui se faisait cramer le cerveau etCadigan
a voulu revisiter ce thème 15 ans après avec le slogan: le réseau est un vaste jeu.Enfin, la question de l’immortalité dans la matrice, le passage du réel dans le virtuel, en coupant la connexion entre les deux états, est posée.
Pour résumer, ce roman revisite les idées de Gibson avec un autre style. Pour ma part, je n’ai pas trouvé d’idée vraiment innovante mais c'est écrit comme un polar, si l’on arrive à suivre les méandres de l’univers virtuel parfois assez difficile de
Cadigan
. Rien d'exceptionnel mais ça se lit plutôt bien. Le rapport des vitesses dans la RA est très intéressant. Une pierre de plus à l’édifice.Extraits :
" On a le droit de tout faire, du moment qu’on ne le fait pas en vrai. Tout compte pour du beurre, rien n’est consigné nulle part ni ne peut être utilisé contre vous devant un tribunal. Tout ça n’est un vaste terrain de jeux pour âmes damnées. On est tous des âmes damnées à un moment ou un autre, et certains plus que d’autres. Et si on a déjà perdu son âme à l’arrivée, on en demandera une toute neuve au magasin… "