« Les cybermachines surveillaient l’appartement et, dans la pénombre ménagée par les persiennes, leurs témoins de veille évoquaient les petits yeux rouges des chauves-souris. Elles étaient tapies dans des niches intégrées aux murs chaulés de blanc à la mexicaine : un ioniseur, un téléviseur, un détecteur de fumée, une escouade de détecteurs de mouvement. Un vaporisateur sifflait et bouillonnait doucement dans un coin… »
L’histoire :
2031. La Terre est vraiment dans un sale état. La pollution y a laissé son empreinte indélébile dans l’atmosphère et sur la terre. Le réchauffement de l’air a perturbé des états déjà fragiles comme le Texas, où le nombre de tornades a été décuplé, le taux de précipitations a été réduit de manière drastique, réduisant les champs à des terres stériles où pullulent quelques maigres mauvaises herbes. Alex est malade depuis sa plus tendre enfance et souffre des poumons qu’aucun remède n’a jamais réussi à soigner. Alex est très riche, fils d’un industriel prospère. Il s’est exilé au Mexique dans une clinique retirée pour essayer un dernier traitement pour un dernier espoir. Sa sœur vient un jour l’enlever de cette clinique et l’emmène avec elle pour rejoindre le front de tempête : les chasseurs des tornades…
Twister.
Avec cet été torride qui s’annonce, il me semble que la lecture de ce roman tombe à pic, même s’il a lieu dans la plus désertique partie du Texas.
Les tornades, encore un phénomène météo qui est loin d’être expliqué.
Pour information, comme indiqué par le traducteur (Jean Bonnefoy) en postface, on classe généralement les tornades selon l’échelle de Fujita-Pearson : il s’agit de caractériser les tornades selon la vitesse maximale des vents, la longueur et la largeur du parcours.
Pour simplifier, on parle généralement de la vitesse des vents.
F0 : de 64 à 116 km/h
F1 : 117 à 180 km/h
F2 : 181 à 253 km/h
F3 : 254 à 332 km/h
F4 : 333 à 419 km/h
F5 : 420 à 512 km/h
F6 : >512 km/h
Les chiffres varient quelque peu selon les sources.
En France :
« La France, par exemple, a subi seulement 14 tornades de forte puissance (F4 et F5 sur l'échelle de FUJITA) entre 1680 et 1988, essentiellement dans le Nord et le Centre-Ouest.
On estime à environ 180 le nombre moyen de tornades se produisant par an sur la France métropolitaine. Les probabilités d'intensité sont d'à peu près 80 % pour l'échelle F0, 15 % pour F1, 4 % pour F2, l % pour F3, 0,1 % pour F4, 0,01 % pour F5. Ainsi, il doit se produire en moyenne deux tornades faibles (F0 ou Fl) par an et par département. Les risques de tornades fortes (F4 ou F5) semblent limités à quelques régions (Nord-Ouest, Jura, Languedoc), avec une fréquence moyenne d'environ une tous les cinq ans. La plupart des tornades (70 %) sont observées de mai à septembre, période pendant laquelle les orages sont les plus nombreux. »
(source : http://www.assemblee-nationale.fr/rap-oecst/risque/R1540-02.asp#P237_20400)
Le monde de demain.
On sent que l’auteur s’est documenté sur le mécanisme des tornades car certains passages sont vraiment réalistes, à commencer par le son des tornades qui est vraiment caractéristique et le plus saisissant parmi les témoignages. Mais je ne suis pas un grand spécialiste ;)
A cela,
Sterling
a su ajouter sa patte technologique. L’auteur de Schimatrice nous entraîne dans un monde où les drones font office d’observateurs de tornades, pilotés par des casques virtuels, où les calculateurs pour simuler les mécanismes météorologiques sont aussi puissants que l’ensemble de nos ordinateurs de 1995 et ou la manipulation génétique est possible !Il y dresse un paysage politique bien pessimiste : les gouvernements ont baissé les bras, et il n’y a plus de politique écologique. La pollution a balayé toutes les bonnes dispositions et il ne reste que quelques groupuscules pour vouloir tenter quelques chose. L’économie au sommet de la pyramide. S’il ne reste plus qu’un pouvoir, c’est bien celui-ci.
Enfin, l’émergence de groupes humains, se regroupent tels que ceux, désespérés, ne vivant plus que dans les camps de réfugiés où les tornades sévissent. La société s’adapte à la météo, et des parasites apparaissent.
Bref, très intéressant que ce roman de
Sterling
, par le fait qu’il nous faut prendre plus que jamais conscience de la protection de notre équilibre précaire météorologique. La planète est en danger.Extraits :
« Il n’avait encore jamais pu observer des éclairs dans d’aussi bonnes conditions. L’éclair était un phénomène absolument passionnant : le clignotement, l’arborescence, la complexité de sa trajectoire délicatement incurvée. Un véritable éclair n’avait presque rien à voir avec l’image classique et bidimensionnelle du zigzag déchiqueté popularisé par la bande dessinée. […]
Au ras de l’horizon ouest, herbes et broussailles furent soudain prises de folie, se couchant en vastes ondes concentriques grandissantes. Puis elles se mirent à osciller et à se tortiller frénétiquement sur place. Comme si les brins d’herbe étaient écrasé et piétinés par une invisible et monstrueuse cavalcade.
Une muraille volante de terre du sol ravagé, telle la poussière d’un tapis qu’on bat.
Alex n’avait jamais vu rien de semblable. Il resta bouche bée alors que le mur de poussières se ruait vers lui… »
« Les hautes herbes texanes étaient un paysage naturellement désolé, mais la nature avait pris ses cliques et ses claques depuis déjà un bail. […]
ça et là, des éoliennes mortes toisaient la route de leurs pales de tôle mince criblée de balles, leurs cuves de béton fissuré emplies de poussière dressées au-dessus d’une nappe phréatique lessivée jusqu’à son lit de calcaire…Ils avaient épuisé la région, avant de laisser sur place leurs dents de vampire mécanique, telles des mandibules arrachées d’une tique… »
« Pendant ce temps-là, Busard avait sorti ses ornithoptères. Il s’agissait de drones aux ailes tendues sur des os creux avec d’astucieuses articulations de métal expansé et recouvertes d’une couche de « plumes » individuelles en plastique noir. Les trois ornithoptères pouvaient sans difficulté passer de loin pour de véritables busards. A condition, bien sûr, qu’on ne remarque pas leurs minces antennes télescopiques et leur tête de métal nu abritant un couple de vidéocams binoculaires dont l’écartement était similaire à celui des yeux humains. »