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Olivier

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02/09/2004
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Les saisons

Maurice Pons


Les saisons
 Pour la présente édition :

Editeur : Christian Bourgeois

La critique du livre
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Du narrateur, nous savons peu de choses. Il s’appelle Siméon, et il est écrivain. Il arrive un beau jour dans le village.
Village, ou plutôt hameau, à flanc de montagne. Le climat est rude : il pleut tout le temps, et les hivers sont terribles. La terre ne laisse pousser que les lentilles. Du coup, tout le monde ne se nourrit que de lentilles : en purée, en pain et bien sûr, en gnole. Un alcool sombre et âpre, un tord-boyau au sens littéral du mot.
Siméon trouve à se loger dans l’auberge du village. Il occupe la mansarde, à laquelle on monte grâce à une échelle pliante, qu’il a fallu sortir du tas de fumier.
Le village est le havre de paix dans lequel Siméon, hanté par un passé difficile, espère exorciser ses souvenirs douloureux, et écrire enfin son premier roman. A défaut d’inspiration, il tient un journal dans lequel nous pouvons lire sa retranscription de quelques évènements.

Blessé à un orteil, il va devoir aller voir le rebouteux, et là, le roman bascule.
Jusqu’ici, nous suivions la cohabitation entre un écrivain sensible et une population arriérée, qui n’aurait pas dépareillé dans un redneck movie. Il n’y a bien sûr pas de médecin dans ce village isolé. Tout juste un rebouteux borgne plus ou moins troglodyte, qui vit en marge du village. La curée de l’orteil est une scène marquante. Décrite avec un détachement clinique, c’est une scène qui marque au fer rouge. C’est aussi le début de la fin pour Siméon, dont la santé va se dégrader.

Il est assez difficile de décrire plus précisément l’intrigue du roman. Nous sommes avant tout dans une œuvre d’ambiance, qui anticipe les romans vosgiens de Pelot. La nature est hostile, les hommes cruels, la vie à peine supportable.
L’auteur choisit de nous donner peu d’éléments. Il est assez difficile de situer le roman dans un temps et un lieu précis, même s’il respecte l’unité de lieu et d’action chère à la tragédie classique. Nous ne sommes dans aucun pays précis, simplement dans une nature montagneuse hostile. Nous comprenons vaguement que Siméon a été interné dans un camp pendant une guerre, où sa sœur a été assassinée. Il n’est pas impossible d’y voir des échos de la guerre d’Algérie (le roman date de 1965, et l’auteur est un des signataires du Manifeste des 121
Nous ne sommes donc pas dans de la sf, ou alors un post-apo diffus : nous ne connaissons du monde extérieur que les souvenirs de Siméon. Certainement pas dans le fantastique, ni dans la fantasy. Pourtant, il se dégage de ce roman une ambiance décalée, qui ne permet pas de le ranger dans du mainstream stricto sensus. Nous sommes plutôt en train de naviguer entre Pelot et Volodine, dans une noirceur absolue. Si l’intrigue est linéaire, la fin reste assez imprévisible. Mais les meilleurs moments du roman sont incontestablement les scènes dantesques qui ponctuent des moments de vie de Siméon (ses visites chez le rebouteux) ou du village. Le conseil du village est une de ces scènes viscérales, qui vous prend aux tripes, sans pour autant sombrer dans le gore. Elle m’a rappelé la scène de danse dans le bar, dans le film Calvaire de Fabrice du Welz.

Au final, l’auteur signe un roman court et inoubliable. Une véritable expérience de lecture, dont les échos lancinants hanteront longtemps le lecteur. Résolument inclassable, on le rangerait par défaut dans le réalisme magique, avec une bonne rasade de Ballard chez les ploucs. Côté ciné, outre Fabrice du Welz, il ne serait pas sans évoquer Ben Wheatley. La folie a ses raisons que la raison ignore, une rationalité qui nous échappe et permet cependant à un village de survivre. Il n’appartient plus qu’au lecteur de plonger en apnée dans les abysses de la folie. S’il n’en ressort pas indemne, c’est que ce livre a trouvé son lecteur.
Et c’est bien là tout le mal qu’on lui souhaite.

RIP Maurice.




Depuis près de trente ans, les lecteurs des Saisons forment une sorte de confrérie d'initiés. Ils partagent un même univers, « plaqué » sur le nôtre comme l'or — ou la suie ; ils utilisent le même langage, les mêmes images de référence ; ils se connaissent et se reconnaissent entre eux, un peu comme les lecteurs de Malcolm Lowry ou de Julio Cortazar. Nous avons pensé qu'il ne fallait pas abolir ce privilège, mais le partager, en le multipliant. Et après les éditons Julliard (1965), Bourgois (1975), 10/18 (1984), voici à nouveau ce « livre-culte » chez Christian Bourgois.


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