Théa fuit. Théa survit. Il semble qu'elle n'ait guère fait autre chose en ses vingt sept ans d'une vie difficile. Un jour, alors qu'elle vient d'échapper de justesse à des Pirates, le silo où elle comptait se réfugier se révèle occupé par un homme blessé, amputé d'un bras, et qui lui demande son aide. D'abord méfiante, elle accepte ensuite sa compagnie pour aller à Gold Lake. Gold Lake, la communauté protégée dont ils rêvent tous deux, là où même les mutant sont acceptés.
Le roman décrit les errances de ces deux humains, dans un monde dont l'état empire de jour en jour. On assiste à une constante dégradation du climat météorologique, social et humain, à une sorte d'apocalypse lente, alors même que le souvenir des temps anciens et insouciants est très présent, au moins pour lui, qui avait une tout autre vie, vingt ans plus tôt : J'étais un gosse brillant. J'ai beaucoup voyagé avec mon père. [....] Entre l'école et son travail à lui, je suis allé partout.
Les différentes étapes de leur voyage permettent d'avoir une vision assez complète de ce monde en déliquescence, et des différents moyens mis en oeuvre par les humains pour survivre : la folie, le brigandage violent des Pirates, la communauté de mutants intelligents et de bonne volonté, l'intégrisme religieux : Ils ne pensent pas qu'ils ont raison. Ils savent qu'ils ont raison. Pas de doute, pas de question, pas de soupçon désagréable que d'autres puissent avoir raison. Ils ont leur maudite Vérité avec un V majuscule pour les appuyer....
Ce roman est pour moi inoubliable, très finement écrit, avec des temps et des lieux décrits de façon impressionniste, par petites touches, comme l'évolution des deux personnages. Pas d'apocalypse spectaculaire, mais une lente, inéluctable dégradation à partir d'une situation si proche de la nôtre que c'est forcément inquiétant : Il y a eu un moment, il y a peut-être trente ans, où la plupart des gens ont compris que les choses avaient mal tourné. L'air sentait mauvais, la nourriture était dégueulasse et pleine de saloperies chimiques, il n'y avait plus assez d'énergie, trop de gens, et les systèmes de secours se détraquaient plus vite qu'on ne pouvait en inventer d'autres.[...] Tout le monde voulait une façon facile de s'en sortir. Et pourquoi pas ? Personne ne leur avait dit qu'il n'y avait aucune façon de s'en sortir. Alors ils ont abandonné un certain nombre de choses, ils ont pris le bus pour aller travailler et ils ont grogné sur les services, et le téléphone, et le goût de l'eau. Et ils pensaient que ça changeait quelque chose.