En un paragraphe,
Lovecraft
introduit ce qui sera sa plus grande réussite, sa création la plus aboutie depuis ses premiers écrits de jeunesse, le mythe de Cthulhu (prononcer Cthoulou… Si si). À tel point que de nombreux auteurs qui ont collaboré au magazine Weird Tales (oùLovecraft
publie L’appel de Cthulhu) comme Robert E. Howards (le créateur de Conan le barbare) écriront eux aussi une histoire en rapport au mythe.La force de cette nouvelle, c’est l’enquête menée par le narrateur, renforçant l’immersion du lecteur dans le récit. Il raconte tout d’abord la découverte d’une statuette représentant une créature grotesque mais effrayante, puis le récit de l’inspecteur Legrasse à la Nouvelle-Orléans, contant la terrifiante cérémonie que les forces de police interrompent, mais surtout le récit d’un marin norvégien qui avec quelques collègues arriveront par mégarde à R’lyeh, la cité du défunt Cthulhu, et l’horrible rencontre avec le Grand Ancien.
Lovecraft
avait déjà commencé son travail avec des nouvelles comme Dagon, ou bien Le Molosse, ou Le Descendant. Le Nécronomicon, Le Livre des Morts, déjà mentionné. Mais il fallait l’histoire déclic, qui saurait ancrer le travail fait en amont par l’auteur. L’appel de Cthulhu sera cette référence. Pour la théogonie des dieuxlovecraft
iens, mais aussi dans ce qui fait la sphère du mythe : la langue imprononçable, impossible à retranscrire sans faire appel à des consonnes qui se suivent : «Ph’nglui mgln’nafh Cthulhu R’lyeh Wgah’nagl fhtagn ». Un enfer pour le correcteur automatique, qui donne en français : « Dans la citadelle de R’lyeh la morte, Cthulhu rêve et attend ». Mais même la traduction possible de cette phrase n’est pas exempte d’erreur. En anglais, la phrase est « In his house at R’lyeh dead Cthulhu wait dreaming ». Donc la phrase exacte est « Dans la citadelle de R’lyeh le défunt Chtulhu rêve et attend ». Ce qui collerait plus avec cette mention : « N’est pas mort ce qui à jamais dort/ Et au long des siècles peut mourir même la mort ».Si le texte n’est pas exempt de défaut, certaines longueurs, ou des passages passés à la va-vite, et une brume autour de la description de Cthulhu (ce que lui reproche par exemple René Barjavel : dans une interview des années 70, il avoue aimer Poe à
Lovecraft
, ce dernier étant trop nébuleux, son fantastique n’existant que par des images inconcevables, et par une succession de vocabulaire, sans vraiment décrire ce qu’il expliquait). La description, la voici : «La Chose ne peut être décrite – il n’existe aucun langage pour traduire de tels abîmes de démence aigüe et immémoriale, d’aussi atroces contradictions de la matière, de la force et de l’ordre cosmique. Une montagne s’était mise en marche et progressait en trébuchant. ». Il n’en reste pas moins le récit le plus important, pièce charnière de la mythologielovecraft
ienne. Dans le livre de maître de jeu du même nom la nouvelle est reproduite.Le mythe ne serait aussi présent si le magazine Weird Tales n’avait pas publié la nouvelle, et si les collaborateurs de ce magazine n’avaient pas joué le jeu.
Lovecraft
a lancé un genre particulier, un fantastique symbole de deux univers, celui de Poe, fantastique du XIXe siècle, et pour sa capacité à captiver le lecteur, et l’univers de Jules Verne (queLovecraft
a lu), monde scientifique par excellence, où la science peut tout faire. Le mélange donne un univers matériel qui se retrouve nez à nez avec un univers, un ensemble que la raison ne peut pas comprendre, et que quiconque tente de s’approprier finit soit par mourir, soit devenir fou.Petite anecdote : dans le récit de