Eurêka. Poe
Un petit jeu pour commencer cette chronique, voici le premier paragraphe de 3 nouvelles à démasquer : une écrite par Howard Phillips
Lovecraft
se cache parmi deux mitonnées par Edgar Allan Poe. Vous pouvez même essayer (sans tricher ;) de leur accoler la bonne lettre/le bon titre.1
Par-dessus tout, rappelez-vous bien que je vis, au dernier moment, aucune horreur concrète susceptible d’affecter ma raison. Dire qu’un choc mental détermina ma conclusion finale, ce serait ignoré délibérément les faits purs et simples de mon aventure. Malgré les choses pures et simples qu’elles ont produites sur moi, je suis aujourd’hui encore, incapable de démontrer la justesse de mon effroyable hypothèse.
2
Relativement à la très-étrange et pourtant très-familière histoire que je vais coucher par écrit, je n'attends ni ne sollicite la créance. Vraiment, je serais fou de m'y attendre, dans un cas où mes sens eux-mêmes rejettent leur propre témoignage. Cependant, je ne suis pas fou, et très-certainement je ne rêve pas.
3
Vrai ! — je suis très nerveux, épouvantablement nerveux, — je l’ai toujours été ; mais pourquoi prétendez-vous que je suis fou ? La maladie a aiguisé mes sens, — elle ne les a pas détruits, — elle ne les a pas émoussés. Plus que tous les autres, j’avais le sens de l’ouïe très fin. J’ai entendu toutes choses du ciel et de la terre. J’ai entendu bien des choses de l’enfer. Comment donc suis-je fou? Attention ! Et observez avec quelle santé, — avec quel calme je puis vous raconter toute l’histoire.
Les titres (dans le désordre) :
A. Le Cœur Révélateur de Poe
B. Le Chat Noir de Poe
C. Celui qui chuchotait dans les ténèbres de HPL.
Dans leurs nouvelles, Poe et
Lovecraft
décrivent des fragments d'un paysage fantastique, et à l'intérrieur de ces fragments, ils choisissent encore le détail pour créer le sentiment de réalité. Tout l'arrière plan de l'action est présenté avec beaucoup de minutie, puis le rythme s'accélère toujours pour arriver à une phrase ultime, chargée d'une grande révélation qui dévoile un mystère savamment entretenu. Ces textes très semblables évoquent pour moi ce besoin d'entrée de jeu de nous faciner grâce, à mon avis, à un teaser redoutable. Car, un narrateur, prenant soucieusement les devants pour nous dire qu’il n’est pas fou, est le présage d’une douce histoire de dingue.Les mots « hypothèse », «faits », « raison », « conclusion » du texte (1) vous ont peut-être mis la puce à l’oreille. Systématiquement,
Lovecraft
s’applique une démarche scientifique pour discuter des phénomènes anormaux qui jalonnent ses récits. A contrario, Poe s’affranchit de cette méthode en apparence rigoureuse.Dans cette nouvelle « Celui qui chuchotait dans les ténèbres » s’établit un échange épistolaire entre un professeur d’université (le narrateur), et un habitant, Henry W. Akeley, vivant seul dans une campagne reculée (témoin d’une procession d’étranges créatures volantes). Entre deux gens intelligents, Akeley va argumenter dans chacune de ses lettres les faits étranges autour de sa ferme, et collecter les preuves alarmantes de l’existence de ces harpies. Malgré la nature incroyable de son récit, malgré ses craintes et ses dures épreuves, cette correspondance sera terne et sans saveur car
Lovecraft
nous tient trop par la main.J’ai retrouvé dans ces nouvelles, des impressions et l'imaginaire de l'enfance. La tête d’un enfant est pour moi une alcôve sombre et pernicieuse où il suffit de piocher pour agrémenter ses plus vives peurs, et structurer les affres de ses pires cauchemars. Un monstre par ci, une ombre par là, une bestiole sous un tronc d’arbre pourri mais aux dimensions démesurées…. Ce n’est pas peau de chagrin.
A ce jeu là,
Lovecraft
est un conteur « unique » qui se sert d'êtres monstrueux mâtinés de vieilles sornettes, de légendes ancestrales et de mythes aux desseins lugubres. Dans la préface de J. Bergier, on peut lire :« Des historiens de la littérature arriveront sans aucun doute à montrer pourquoi
Lovecraft
a choisi cette voie. La misère dans laquelle il a vécu toute sa vie, une mauvaise santé, un mariage malheureux y sont certainement pour quelque chose. Pourtant, il n’y a eu qu’unLovecraft
dans la littérature de tous les pays … Et c’est pourquoi toutes les explications données seront toujours nécessaires mais non pas suffisantes. »Par le son des engoulevents, par le bruit des vagues, par des odeurs nauséabondes, par des couleurs tombées du ciel, par des bosquets vénérables, par des paysages oniriques,… la plume de
Lovecraft
est une véritable pépinière de paysages et d’atmosphères qui aiguisent tous nos sens : Les lieux géniaux pour laisser s’immiscer des mutants pas bien beaux, une créature colossale ou d’autres entités venus d’ailleurs ou d’abysses. Par la science, ils seront révélés.Les 4 nouvelles incluses dans La couleur tombée du ciel. :
- La couleur tombée du ciel. - la plus belle.
- L’abomination de Dunwich. - la plus captivante. (et drôle *)
- Le cauchemar d’Innsmouth. - la plus sombre et stressante.
- Celui qui chuchotait dans les ténèbres. - la plus longue.
*
Lovecraft
est un sacré déconneur :« Dès que les ombres s’amassèrent, les campagnards se hâtèrent de regagner leur logis pour s’y barricader, en dépit des preuves accumulées de l’inefficacité des verrous et des serrures contre une force qui ployait les arbres et écrasait les maisons à son gré. »
lol.
Vous braverez ce monde dantesque comme Don Quichotte (il faut s'y laisser abuser), Sancho-Panza
Lovecraft
ne vous laissera pas en rade. Comme les Histoires Extraordinaires de Poe, HPL est un classique, et pis c'est tout !Images rassemblées par le Golden age comic book stories