« L’étranger arriva en février, par une matinée brumeuse, dans une tourbillon de vent et de neige. Il venait, pédestrement, par la dune, de la station de Bramblehurst, portant de sa main couverte d’un gant épais, une petite valise noire. Il était bien enveloppé des pieds à la tête, et le bord d’un chapeau de feutre mou ne laissait apercevoir de sa figure que le bout de son nez. La neige s’était amoncelée sur ses épaules, sur sa poitrine ; elle ajoutait aussi une crête blanche au sac dont il était chargé… »
L’histoire :
Alors que la neige tombe à gros flocons, à Iping, un village de l’Angleterre, un étranger arrive dans une chambre d’hôte, emmitouflé de la tête aux pieds, gelé, peu causant, mystérieux et il deviendra le centre des conversations des habitants dudit village. Car personne n’a vu son visage, même la maîtresse des lieux : il porte en permanence des gants, des bandages sur le visage et ne mange que lorsqu’il est seul. Ses malles sont remplies de livres et de flacons de chimie. Les rumeurs vont bon train sur ce personnage volontiers acariâtre…
Wells
, l’homme des métaphores.Son roman le plus connu, la guerre des mondes vient d’être adapté sur grand écran et la réalisation est passée à côté (ou a occulté) du message principal de ce roman : la critique politique de l’Angleterre impérialiste. Or
Wells
est l’homme des contestations, activiste même et chacun de ses romans révèle une critique souvent acerbe.Une histoire tragique.
L’homme invisible est un roman où le héros est traqué, pourchassé, et ses aventures sont une longue traque à travers le pays. Je rapprocherais le destin de l’homme invisible à celui d’Elephant man, c’est à dire le destin d’un homme différent. Le rapport à l’autre est assez bouleversant au final puisqu’il ne cesse de se cacher, de fuir tout au long du roman. C’est l’histoire d’un homme terrorisé.
La métaphore.
Comme indiqué dans l’excellente préface de Claudine Nicolaï (à lire après , comme toujours), le roman pourrait se scinder en deux parties distinctes.
L'une où l’on voit les commérages d’un village, assez burlesque dans le ton est assez humoristique, et où l’ignorance parfois crasse est caricaturée à souhait. A remplacer dans son contexte de l’époque, bien sûr.
L’autre, plus sérieuse, plus froide raconte l’histoire et toutes ses implications parfois terrifiantes des intentions de l’homme invisibles.
Si l’on replace dans le contexte de l’époque, encore, c’est la peur des progrès technologiques face à la population rurale qui est mise en avant, un peu à la façon de Barjavel qui avait diabolisé la technologie (atomique) dans son roman Ravage.
Un roman unique qui n’a pas ménagé l’imagination des réalisateurs. Un classique.
Extraits :
« Plus j’y pensais, Kemp, et plus je comprenais quelle absurdité sans recours était un homme invisible, sous un climat froid et sale, dans une ville encombrée, civilisée. Avant cette folle expérience, j’avais rêvé tous les avantages du monde. Cet après-midi, tout n’était plus que déception. Je récapitulais toutes les choses que l’homme tient pour désirables. Pas de doute que l’invisibilité me rendit possible d’y atteindre ; mais elle me mettait dans l’impossibilité d’en jouir, une fois que je les aurais obtenues. Pour l’ambition, pour l’orgueil ; de quel prix est une place où il ne vous est pas permis de vous montrer ? De quel prix est l’amour d’une femme quand elle ne peut s’appeler que Dalila ? »