Il y a quand même pire, pourrait-on s'étonner. Je dois avouer que, logiquement et au vu de la couverture (première et quatrième), je n'aurais jamais lu ce livre, si on ne me l'avait conseillé et qu'il n'avait été encensé par les critiques et les prix. Que ceux, d'ailleurs, qui me l'ont conseillé se rassurent : loin de leur en vouloir, je les remercie de m'avoir donné l'occasion de clarifier mes positions.
Je pourrais commencer par un résumé de l'histoire, mais je laisserai le quatrième de couverture, ci-dessous, s'en charger. Disons qu'on ne peut éviter de penser à Dune. J'avais lu Dune très jeune. Dans mon souvenir, Herbert maîtrise mieux son sujet, au moins sur les personnages et sur le style - traduction française évidemment.
Quant au jugement sur le livre, il y aurait peut-être trois positions sur ce premier tome d'une série de trois :
- Ceux qui aiment. Et qui peuvent considérer, comme Ione l'a dit sur le forum, que
Bordage
est un conteur à l'ancienne. Ils ont peut-être raison, et je verrais alors le mal où il n'est pas.- Ceux qui n'apprécient guère, considérant que, effectivement, l'histoire n'a que peu d'intérêt (après tout c'est une saga opéra). Et que, stylistiquement,
Bordage
a des tics agaçants, et tombe dans la caricature dualiste.- Ceux qui sont résolument contre.
On aura compris que je fais partie du troisième ensemble. Dès lors, j'adhère aussi au deuxième.
Ainsi, l'histoire est ce que je qualifierais de distrayante. Il n'y a pas de mal à ça, mais peut laisser sur sa faim l'amateur de romancier tels que Brunner ou Dick. Il y a sûrement, comme pour toute histoire, des idées, des idéaux, des idéologies sous-jacents. J'avoue ne pas faire l'effort d'aller les chercher, tant ils sont enfouis. D'ailleurs, la surprise pourrait être bonne comme mauvaise. Reste un penchant un peu caricatural, genre : y'a les bons et les méchants. Comme je le disais, le genre de la saga op n'oblige pas à la profondeur, et, dès lors, on peut laisser ici à
Bordage
le droit de ne pas faire dans la dentelle. On pourra, par contre, fustiger le genre.Sur l'écrit, il y a effectivement des éléments qui agacent certains lecteurs. Parmi les motifs de plainte (car c'est une douleur), j'avais déjà signalé sur le forum :
- l'exotisme à pas cher, avec les emprunts à l'histoire (médiévalisme, orientalisme...) et surtout, un technicolor flashant. exemple :
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On voit qu'un grosse partie du système consiste à appliquer un filtre photoshop sur une carte postale.
- les appellations jeu de mots : les méchants, fortement empruntés à l'inquisition, ont pour divinité le Kreuz (Christ). (Bon, c'est peut-être une survivance). Le décor photoshopien ci-dessus est éclairé par trois soleil : feu rouge, feu orange, feu vert... Je ne cherche pas plus.
- les perso types : le vilain méchant, le héros malgré lui, les gentils persécutés, la femme déesse belle et fragile...
- les entrées de perso genre mariage de la reine par léon zitrone. Exemple :
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On aura compris (relisez la description T.S.V.P.) que Pamynx est un méchant. L'idée me fait penser à ce que je mettais dans la bouche d'un de mes perso - je ne dis pas que je me compare - genre facho : "l'ennemi, c'est pas dur : c'est cui qu'à la tronche en gueule de mire". Sinon, on pourra dire qu'il faut bien dresser le décor. Mais on est à la page 73 de mon édition, et page 1, première phrase :
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Mais le pire, au fond, c'est cette impression : "mettons des couleurs, se dit l'auteur, des appellations, des référents bien compréhensibles, bien appuyés : après tout, le lecteur est peut-être un peu stupide."
- encore un point, et il suffit de lire la citation ci-dessus : l'emploi abusif de qualificatifs répétés.
Bordage
semble mué par une crainte : un qualificatif est nécessaire mais insuffisant : il en faut deux. Trois, oui, bon, houlà : faut pas abuser.J'arrête ici ce (trop) long dépot de plainte ;). Il est temps de dire pourquoi je tombe dans le troisième groupe des contre, plus que des dubitatifs. Il me semble qu'au final, tout ceci ne se résume à ceci :
Bordage
introduit la tendance remix, la SF post-moderne, bref le kitsch. Et ça, je ne peux pas laisser passer. Il y a quelqu'un qui disait en gros : une époque qui s'adonne au kitsch est une époque qui n'a pas trouvé son style. Comme il s'agissait sans doute de Kundera, je laisse ici une citation de cet auteur, pour méditation (note : sur Google, en page france, "PierreBordage
" = 6190 entrée, "John Brunner" 920, "Philip K. Dick 1180 + Grand Prix de l'imaginaire, Prix julia Verlanger 1994, prix Cosmos 2000 en 1996... )
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Et bien, pour ce qui est des idéologies, j'ai fini par creuser un peu, en fait...