Andrew Hale est un espion aux services de sa majesté, et ce depuis l'age de sept ans. Il fut recruté par Théodora à cause de son histoire familiale mystérieuse et particulière. Pendant la deuxième guerre mondiale, il fut encouragé à rejoindre le partie communiste et une fois en poste dans le Paris occupé par les allemands, il devait retranscrire des messages pour les envoyer sur les ondes directement en Russie. C'est durant cette période qu'il tombe amoureux de sa jeune camarade Elena Ceniza-Bendiga, qui elle, récupérait les informations à chiffrer. Mais c'est aussi à partir de cette période trouble qu' Andrew devait pour la première fois faire face à des évènements dont l'implication irait bien au delà du simple espionnage. Une série de rencontres avec des agents doubles et des manifestations surnaturelles ponctueront la vie de l'agent Hale, pour finir par la désastreuse mission de 1948. Apres cet échec, il retrouve le confort de sa petite vie tranquille de prof, mais Théodora ne l'a pas oublié et DECLARE est réactivé...
En quoi consiste ce projet DECLARE ? c'est toute la question que l'on se pose dans le premier tome. En effet, ce livre est vraiment composé de deux parties bien distinctes (était-ce pour autant nécessaire de publier deux tomes ?). Dans la première partie,
Powers
jongle avec le temps. Il passe de la seconde guerre mondiale à 1963 à un rythme soutenu, ce qui demande au lecteur une attention toute particulière afin de ne pas s'embrouiller dans les époques.Mais la récompense est au bout de l'effort car cela permet de bien ancrer le récit sans dévoiler tout de suite la trame principale du récit. La part du fantastique, est dans ce volume, distillé à dose homéopathique. Des petites touches de surnaturel viennent ponctuer le récit d'espionnage et mettent en appétit pour le second volume. La deuxième partie est plus classique dans son architecture, mais l'histoire reste complexe et le rythme enlevé. Trois services secrets qui se tirent dans les pattes (Russes, Français et Anglais), des espions qui passent d'un camps à l'autre, des évènements surnaturels effrayants, on est très loin de s'ennuyer de la première à la dernière page.
L'autre point fort de ce roman, est sont ancrage dans la réalité. Tim
Powers
a su, avec brio, mêler des personnages réels à son histoire tout en respectant scrupuleusement les faits et gestes historiques des dits protagonistes (un peu à la manière de Dan Simmons avec "les forbans de Cuba " mais de façon plus travaillée ). C'est ainsi que l'on découvre une toute nouvelle interprétation de la vie de Kim Philby, le plus connu des agents doubles russes, ainsi que le rôle de Lawrence d'Arabie et Burgess. Mais l’histoire donne également une toute autre interprétation à la grandeur de l'empire soviétique et à sa chute. Tout se tient si bien, tout est si minutieusement ficelé (par rapport à ce qui s’est réellement passé) que l'on finit par y croire vraiment. Finalement pourquoi cette explication serait-elle plus improbable que les autres ?C'est lorsque que l'on se penche sur les notes de l'auteur en fin de livre que l'on se rend compte à quel point le travail de recherche de
Powers
a été poussé concernant cette période des services secrets russes et anglais (c'est sans doute son projet le plus ambitieux).Les inconditionnels de
Powers
ne seront pas déçus, car le style et la patte de l'auteur sont toujours bien présents. Les petites chambres de bonnes dans le Paris sous l'occupation, les rues de Berlin au jour de l'édification du mur, la gorge d'Ahora et le mont Ararat, autant de lieux qui prennent vie à la lecture, tant l'atmosphère est bien retranscrite (tout comme le Londres de l'incontournable "Les voies d'Anubis"). Les personnages, même s'ils gardent une part de mystère (ce sont des espions tout de même !) n'en sont pas moins profonds et lorsque l'un ou l'autre décide de changer de camps, on comprend parfaitement les raisons de ce retournement.On ne peut également éviter de penser au clin d’œil à "Poker d'âmes" lorsque Hale et Philby se lance dans une mémorable partie de poker High-Low.
Au final on retiendra un formidable hommage à John le Carre (l'élève a même surclassé le maître) avec un roman haletant et plein de rebondissements agrémentés d'une histoire fantastique, qui n'est certes pas des plus originales, mais qui agrémente de façon admirable cette histoire d'espionnage. Mais vous l’aurez compris, il faut vraiment aimer les romans d’espionnage pour ce lancer dans ce livre…