« D’entre deux arbres, à la crête d’une colline, un très vieil homme observait, avec une poignante nostalgie dont il ne se serait plus capable, le dernier groupe de pique-niqueurs qui remballait leurs paniers, grimpaient sur leurs chevaux puis s’éloignaient vers le sud, avec quelque hâte car ils avaient six bons milles à faire pour rentrer à Londres et le soleil rougissant silhouettait déjà les branches des arbres bornant la Brent, à deux milles environ vers l’ouest… »
L’histoire :
1983. Brendan Doyle est un spécialiste de l’écrivain poète Coleridge, anglais du XIXème siècle, et quelle ne fut pas sa surprise d’être engagé par le milliardaire Darrow, un vieillard malade, pour être le spécialiste et l’intermédiaire entre un groupe de fortunés et Coleridge lui-même en 1810 ! En effet le mégalomane Darrow a trouvé le moyen de remonter le temps par des moyens plus magiques que scientifiques: des passages dans le temps. La rencontre se termine et le groupe doit retourner à l’un de ces passages lorsque Doyle est enlevé par des bohémiens chamans. Pourquoi a t-il été enlevé ? Et surtout, amer constat : il est donc coincé dans ce siècle…
Un intrigue policière très bien menée.
On débarque dans ce Londres avec très peu d’éléments. Comme le héros, on est complètement perdu : pourquoi l’enlèvement ? Pourquoi ce vieux fou de Darrow est venu à cette époque alors que s’il avait voulu rétablir sa santé, il aurait dû aller dans le futur ! Qui est ce Coleridge que Doyle recherche ? Comment Doyle va t-il pourvoir repartir dans son époque ? Comment va t-il survivre ?
Autant de questions qui peuvent égarer le lecteur. Ainsi, l’histoire, le Londres de 1810 apparaît lentement, ses intrigues multiples se mettent en place, les personnages sont dépeints avec moult détails. Et cette époque m’étant plutôt indifférentes, c’est à dire que je ne m’y suis jamais vraiment intéressé, cette partie m’a semblé longue, mais longue. J’ai peiné, j’avoue sur environ 120 pages (un quart du roman quand même). J’ai forcé en me disant que la suite serait plus intéressante.
Et le miracle s’est produit. L’effort a été payant. Tout à coup les rouages se sont mis en place. Les événements obscures ont été éclairés et la lumière fut.
Powers
a su distiller des indices tout au long de son roman, des éléments insignifiants me sont parus capitaux par la suite. On peut dire que le bonhomme a su mettre en place l’histoire pour ne nous révéler les événements qu’au moment où leur révélation produisait leur meilleur effet. Tout s’imbrique parfaitement. La dernière partie est tout simplement passionnante à lire !Londres 1810.
Ce qui étonnera le lecteur sera aussi ce monde finalement complètement gothique de cette époque. Ce n’est pas une période insignifiante de l’histoire, car c’est le temps où Byron existe et
Powers
a réussi a faire de Coleridge un contemporain de toute cette population de manière tout à fait cohérente.Ça c’est pour la partie du beau monde. Dans les bas quartiers, les mendiants ont leur système D, ils sont organisés en bandes rivales.
Mais il y a aussi…la magie. Les sorciers, les monstres, les lutins, les clowns monstrueux dignes de ça de King, tout cela existe dans les recoins les plus noirs des quartiers et égouts. La magie, les expériences, le temps.
En résumé, j’ai eu grand mal à rentrer dans ce roman mais ça valait le coup. Un très bon roman de
Powers
.Extraits :
« Le volet coulissant d’une lanterne sourde venait d’être levé si bien que la silhouette s’était brusquement révélée être d’un clown au visage hideusement bariolé de rouge, de vert et de blanc, avec d’immenses yeux injectés de sang qui louchaient et une langue d’une longueur surprenante surgissait entre les joues boursouflées. Il s’agissait du même pitre que Doyle avait précédemment vu arpenter le marché sur ses échasses, le modèle de la marionnette nommée Horrabin. »