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Olivier

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02/09/2004
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Les quatre saisons de la nuit

Daniel Walther


Les quatre saisons de la nuit
 Pour la présente édition :

Editeur : Oswald

La critique du livre
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Auteur d'une oeuvre foissonnante, partagée entre nouvelles et romans, SF et fantastique, Daniel Walther reste l'une des grandes plumes de l'imaginaire francophone.
Magnifiquement illustrés par Nicollet, il a publié plusieurs recueils chez NéO, largement tournés vers le fantastique, ainsi qu'un de sword and sorcery moorcockienne. Les amateurs de SF pourront aller glaner du coté de PDF, avec l'excellent et très New wave Krysnak ou le complot. Ou bien aller voir du coté de Happy end ou la Nouvelle Cité du Soleil, spéculative fiction épique, transposant librement l'Odyssée dans une lointaine Europe totalement éclatée en cité-Etats en perpétuel conflits. Ne pas négliger non plus ses FNA, dont le très tarponesque (du nom d'Eugène Tarpon, détective privé minable crée par Jean-Patrick Manchette dans Morgue pleine et Que d'os) Appolo XXV. Sans oublier L'épouvante, qui s'aventure sur les terres du Désert des Tartares, et a valu à son auteur un bien mérité Grand prix de la SF française.
Mais revenons à nos moutons.
Deuxième recueil publié, Les Quatre saisons de la nuit est surtout le premier d'une longue série. Placée sous le signe d'un fantastique sulfureux, torturé et inquiétant, sur lequel planent les ombres de Dino Buzzati (qui fut lui aussi journaliste), Kafka (germanophone lui aussi) et Joyce.
Ces Quatre saisons de la nuit constituent en fait une excellente introduction à l'oeuvre d'un auteur majeur, qui peut se montrer décevant. Sa novella publiée en Novella SF au Rocher n'apportera rien à sa gloire, mais n'en reste pas moins l'un des moins mauvais textes de cette onéreuse collection. Ce qui reste tout à fait honorable, vu le niveau assez consternant des textes publiés sous une couverture immonde et vendus beaucoup trop chers.
Le livre donc, s'ouvre sur une courte préface de Jean-Baptiste Baronian, passionnante et intelligente, comme il se doit :
"Lire Walther. Des textes nus, à fleur de peau, baignés de sueur, de sperme et de sang. La sanie est l'air qu'il respire. Littérature brisée, rompue. Quelque chose a été perdu donc et Walther rêve de cauchemars purificateurs."
Ces quelques phrases ont l'immense mérite de planter le décor.

Le recueil se divise donc en quatre parties, chacune portant le nom d'une saison.
« Mets ta main dans la mienne, mon amour », raconte la visite chez son psychiatre, d'un politicien réactionnaire. Il a reçu une longue et étrange lettre. Confuse et mal écrite, elle l'accuse néanmoins d'adultère. Le mari cocu l'accuse même d'être responsable du suicide de sa femme. Fou de douleur, il promet une terrible vengeance. A ceci prêt que notre politicien prétend n'avoir jamais rencontré cette femme. Le harcèlement ne fait pourtant que commencer. D'abord sceptique, puis intrigué, le psychiatre va décider de mener son enquête. Pour le pire, bien évidemment, malgré les mises en garde. La chute est absolument terrible. Juste une petite phrase, façon Matheson qui laisse suinter l'angoisse et l'horreur.
Le cocu est encore à l'honneur, avec « La fenêtre obscure ». Tout commençait bien pourtant : couple amoureux et riche, belle maison, et tout ce qui s'en suit. Sauf que madame a un amant. Son mari le découvrira par hasard. Mais s'agit-il bien d'un amant, ou juste d'un ami ? Rongé par le doute et l'amour, le mari va lentement ruminer sa vengeance qui, comme souvent dans le fantastique se retournera contre lui (voir par exemple l'excellent Imajica de Barker).
« Un fâcheux contretemps » met en scène un couple en crise. Ils devaient passer par une route, mais ils sont détournés par un flic. Incident nucléaire ? L'opacité la plus absolue est autant de mise qu'au Tricastin. Voici donc notre couple dévié vers un petit village. Le mari prend deux chambres séparées dans le petit hôtel, qui reçoit surtout des VRP. Il est cependant vite intrigué par l'étrange cérémonie/fête qui se déroule sur la place principale. Il faut dire que leurs chambres donnent dessus. Que font ces hommes et cette femme vétus de masques hideux ? A quels rituels apparemment sado-masochistes s'adonnent-ils ? Petit à petit sourdent l'angoisse, poisseuse et inquiétante, le doute et la crainte.
Soufre là encore, avec « La fenêtre obscure » placé sous le patronage de la fameuse « Vénus à la fourrure » de Sacher-Masoch (lire à ce sujet l'excellente édition critique de Gilles Deleuze, et puis réécouter encore et encore la fascinante chanson du Velvet). Un jeune homme souffreteux ne s'entend pas du tout avec la nouvelle femme de son père. Celle-ci semble d'ailleurs prendre un malin plaisir à l'humilier. Aussi, quand il se retrouve allité, rongé par une mystérieuse maladie, le pauvre bougre se rend vite compte qu'il est totalement à la merci de cette perverse. Là encore, tout se clôt sur une phrase, LA phrase... ou le délire ?
Le rêve, ou plutôt le cauchemar, ainsi que l'hallucination et le délire fiévreux sont au menu, avec « Au coeur des choses ». Un écrivain se retire seul sur une île isolée, pour la seule phrase d'une femme, véritable défi herculéen : « Le livre dont je rêve n'a pas encore été écrit. ». L'arrivée d'un mystérieux cadavre n'est que le début des ennuis, la nuée qui annonce l'orage, ou plutôt le cyclone. Mais qui sait vraiment où se finit la réalité dans laquelle nous vivons ? Clin d'oeil dickien s'il en est, oscillant entre fantastique et SF. Délire et perception là encore, avec ce journaliste alcoolique, qui aperçoit en pleine nuit et en pleine ville européenne un... varan ! Délire, hallucination ou bien réalité ? Bien malin qui pourra répondre. Mais on retrouve là encore un thème waltherien par excellence : l'homme qui perd pied, et sombre dans la folie. A moins que ce soit lui qui soit sain d'esprit et la société folle ? Voire les deux !
Cauchemar et hallucination là encore, avec cet homme qui décide d'aller voir un vieil ami. Il prend le train et se produit ce qui devait se produire. Il se retrouve dans une petite ville très étrange. A moins que ce ne soit l'inverse. Allez savoir ! En tout cas, « Les voyageurs » est une odyssée hallucinée et dystopique remarquablement entrainante et terriblement angoissante. Délire là encore, avec le dernier texte, « Cauchemar dans la cité des rêves ». L'histoire d'un écrivain qui se retrouve à rewriter des manuscrits pornographiques pour romans de gare. La cité des rêves, c'est Strasbourg, qui devient pour le coup une cité angoissante et hallucinée, où le délire devient réalité, à moins que ce ne soit l'inverse.
On trouvera également, passage obligé pour tout auteur, une délicieuse lovecrafterie, qui eût tout à fait pu figurer au sommaire de l'antho lovecraftienne de Ramsey Cambpell. Hommage appuyé et remarquablement réussi au maître.

Il est difficile de sortir indemne de ce recueil. Servi par une écriture particulièrement fiévreuse et envoutante, comme il est de mise avec Daniel Walther, ce recueil se place parmi les meilleurs de l'auteur, aux cotés de « Sept femmes de mes autres vies ».
Il s'agit d'un fantastique très personnel, sulfureux plutôt que sensuel. Angoissé et fiévreux, délirant et hallucinatoire, et pour tout dire cauchemardesque.
Si vous ne connaissez pas (bien) l'auteur, et que vous avez l'intention de le découvrir, n'hésitez pas !




Le fantastique a renoncé depuis longtemps à être un exercice de style. Le fantastique fait partie de la vie et ne cesse, au mépris de la tradition, de susciter des monstres et des merveilles en tous lieux. Il a quitté les châteaux d'ombre, les abbayes sanglantes, pour étendre son aile ténébreuse sur tous tes dominions de la conscience.
Il grignote les territoires du jour et glisse ses doigts de velours et de gel, de cendre et de feu, d'acide et de venin dans toutes les encoignures de l'existence.
Vous n'êtes en sécurité nulle part, vos cauchemars ont droit de cité dans les grandes villes, sur les rivages des mers lointaines, et la mort vous tient par la main en toute saison, à toute heure du jour et de la nuit.

Dans ces douze histoires, le fantastique n'est jamais de bonne compagnie, même s'il est un compagnon omniprésent, omniscient, tout-puissant.


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Cette critique est signée Olivier
1 réponse y a été apportée. Dernier message le 08/11/2005 à 10h06 par Lisbei

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Cette critique est signée Gracie
2 réponses y ont été apportées. Dernier message le 25/02/2009 à 14h52 par Gracie

Science-fiction

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