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Olivier

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02/09/2004
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Lettre ouverte aux terriens

Jacques Sternberg


Lettre ouverte aux terriens
 Pour la présente édition :

Editeur : Albin Michel

La critique du livre
Lire l'avis des internautes (7 réponses)

Cher Jacques,

J’ai enfin reçu ta Lettre ouverte aux Terriens.
En retard, sans doute, mais comme tu l’avais signalé dans ton magnifique Manuel du parfait petit secrétaire commercial, le trajet du courrier est parfois assez aventureux.
Tu sais sans doute mieux que moi que le misanthrope n’a pas forcément bonne presse. Il est souvent perçu comme aigri, amer, voire de mauvaise foi. Baste ! Tu as suffisamment montré - et avec quel talent- que l’homme a façonné le monde a son image. Et comme tu le remarques, avec ce mélange d’intelligence et de malice qui t’es coutumier, la sentine qui en résulte n’est pas des plus brillantes. Cette société de consommation, que tu vomissais en précurseur dans Le délit, mais aussi dans ta lettre, est effectivement hideuse, mais surtout suicidaire. Fort de cela, nous ne pouvons nous empêcher d’aller toujours plus avant. Eh oui, nous autres avons souvent mauvaise presse, car on n’aime guère les cassandres ni les lucides : on ne déteste rien tant que la vérité, surtout quand elle est déplaisante.
Et encore, n’as-tu pas vu l’émergence d’un nouveau continent, constitué exclusivement de nos déchets. Plus de trois millions de kilomètres carrés, soit plus de six fois la France ! Et puis tu es mort avant le dauphin de Chine, espèce que nous avons sans pitié livré à l’holocauste sur l’autel de la sainte croissance qui nous apportera le bonheur de consommer.
Oh, et puis ce fameux Grenelle de l'environnement, qui nous dit qu'il faut lutter contre l'effet de serre. Et pour ça, rien de tel que le nucléaire et ses déchets radioactifs pour des millénaires. Les Grecs, les Romains, les Egyptiens nous ont légué des monuments. Nous lèguerons des fûts enfouis et emplis de poison pour les millénaires à venir. C'est beau, le progrès.

La consommation n’est jamais que la sommation aux cons.

Sache également que le thon rouge ou l’orang-outang ne lui survivront guère que quelques décennies, tout au plus.
Il ne manquera d’ailleurs pas de mécontents, pour te trouver parfois très dur à l’encontre de notre espèce, ou plutôt devrais-je dire engeance ? Arguant notamment que malgré la justesse de tes exemples, il y a des contre-exemples. Certes, mais ces quelques contre-exemples, naissent souvent en réaction à des circonstances détestables. Ne protège-t-on pas des persécutés justement parce qu’ils le sont ? Tu le remarquais d’ailleurs à propos des zoos, qu’il y manquait des indigènes. Il est vrai que le racisme n’est jamais que l’expression de notre narcissisme. Ainsi que la barbarie avec laquelle nous traitons les animaux, de l’élevage concentrationnaire à l’horreur des abattoirs, en passant par la corrida et autres traditions barbares, que nous vomissons tous deux. Mais bon, avons-nous vraiment d’autres traditions que la barbarie ?

Et si le nombre de bourreaux d’enfants est inférieur à celui des tortionnaires d’animaux, c’est pour une seule raison bien précise : on peut s’amuser à brûler au fer rouge ou à faire crever lentement un animal sans risquer la prison, mais en faire autant avec un enfant tombe sous le coup de la loi.

La barbarie justement. Qui, mieux que toi, fils d’un déporté mort en camp, qui n’échappa à la déportation que par un imbroglio administratif peut en parler ?
Le pire, c’est quand la barbarie douce se conjugue avec la laideur, pour donner la bagnole, avec ses millions morts et de mutilés directs et indirects. Cette immondice roulante transforme promptement n’importe qui en barbare. Mais surtout, elle façonne l’environnement, comme l’avait déjà remarqué Bernard Charbonneau dans L’hommauto. Elle tue, enlaidit, empoisonne, fait couler le pétrole et le sang des guerres pour le pétrole. Elle assombrit les monuments de ses miasmes empoisonnés, et goudronne la nature.

Financièrement, c’est un compte à rebours qui rêve d’être un compte en banque.

Hasard de l’actualité, nous sommes justement en pleine crise économique et bancaire. Et comme d’habitude, nous n’avons pas manqué d’économistes pour nous affirmer doctement qu’elle était finie, qu’elle ne toucherait pas la France, etc. Ah, ce fameux compte en banque, pour lequel nous suons sang et eau au travail. Pour rien d’ailleurs, puisque la majorité des emplois sont totalement inutiles, comme tu l’as si bien dit, avec les accents lafarguiens de l’impérissable Droit à la paresse. Quelles magnifiques pages sur la laideur, là encore, et l’avilissement stérile du travail.
Mais il n’y a pas que le travail. Il y a aussi le cul. Tu fus là encore prémonitoire, dans ton anticipation de la misère sexuelle que révèle la pornographie. Mais aussi dans ta critique acerbe de la pseudo-libération sexuelle, qui n’a jamais abouti qu’à la réification d’autrui.
Ou comme le disait si bien Adorno : « la libération sexuelle n'est qu'apparente dans la société actuelle. (...) Le sexe, suscité et réprimé, orienté et exploité sous les formes innombrables de l'industrie matérielle et culturelle, est absorbé, institutionnalisé, administré par la société - pour mieux le manipuler. »

Publicitairement, c’est la plus noble conquête du détergent

Ah, et si tu voyais ces pseudo-contestataires que sont les Casseurs de pubs, qui contestent la taille des affiches de l’envahissement publicitaire, sans rien trouver à redire au culte de la marchandise, véritable pendant du culte de la personnalité. Il n’est d’ailleurs guère besoin de revenir sur la laideur et la vulgarité passées, présentes et futures de la publicité, puisqu’elles en sont l’essence

Religieusement, c’est le haut-parleur de l’invisible et de l’inexistant

Ah, quel dommage ! Tu ne verras pas ces abrutis d’Américains, à la Bush ou à la Palin, qui préfèrent la Bible à Darwin. Il y a vraiment de quoi se marrer avec de tels abrutis. Enfin il y aurait, car ils sont au pouvoir, malheureusement, et n’ont de cesse que d’encourager à l’enseignement de ces débilités. Et que dire encore de Sarkozy, qui fait l’éloge de la religion en Arabie saoudite (et pourquoi pas de Lénine à Pyongyang ?). Ou de l’Eglise qui, non contente d’avoir exfiltré des nazis, des oustachis, planqué Touvier et étouffé des centaines d’affaires de pédophilie, veut se permettre de nous donner des leçons de morale !

Politiquement, c’est une girouette qui indique d’où vient la parole

Ah, là encore ! Si tu avais vu la dernière présidentielle française. D’un pathétique désolant, on aurait pu en mourir de rire, par politesse pour le désespoir qui ne peut que nous étreindre en ces temps sinistres.

Historiquement, c’est un cadavre de bourreau ou de victime
Sentimentalement, c’est une fleur des charniers qui pousse dans les poubelles
Théâtralement, c’est l’interprète monocorde d’un monologue sans intérêt
Industriellement, c’est une machine à faire tourner les machines
Sidéralement, c’est une chiure de mouche perdue invisible dans les galaxies
Chronologiquement, c’est un grand singe qui tente de se faire un avenir
Juridiquement, c’est un coupable laissé en liberté dans sa prison personnelle
Esthétiquement, c’est une flagrante faute de goût


Eh oui Jacques, tu avais bien raison, mais tu as surtout toujours raison : plus que jamais, même !
Car tout est bien pire encore depuis les années 70 où tu avais écrit ta lettre. Nous venons même de franchir la barre des 7 millions de pauvres pour 60 millions de Français.

Salut à toi, vieux frère !

Olivier.



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