Déjà en bas de page du forum et seulement cinq réponses au moment où je poste… Je ne peux pas…non, je ne peux pas laisser partir dans les limbes, un fil intitulé "La poésie SF" sans y avoir ajouté une ou deux réflexions.
| | | |
| | E-Traym :
Existe-t'il beaucoup d'oeuvres de science-fiction ou de fantastique écrites suivant le style du poème? |
| | |
| | | |
Si on comprend que cette question ne concerne que les œuvres de SF écrites intégralement en vers, je pense que la réponse est "non, pas beaucoup".
Si notre réponse est autorisée à inclure les œuvres SF qui citent des poèmes de poètes connus et celles qui contiennent des vers écrits par l’auteur de l’œuvre SF en question, alors il me semble que la réponse devient "oui, pas mal."
Des poèmes loufoques de
L’électrouvère in La cybériade de Stanislas Lem à celui (très beau) qui donne son titre au dernier roman de
Michel Houellebecq:
La possibilité d'une île, la poésie en vers est bien présente dans la SF.
Mais la poésie en vers n’est pas toute la poésie. La poésie n’est pas que poèmes. Je me permets donc de faire du
HS par rapport à ton premier post sans trop en faire par rapport au titre du thread.
Un constat personnel :
Nulle poésie n’est présente dans les alexandrins de
Les femmes savantes et l’on ne voit pas de vers dans
Les petits poèmes en prose de
Baudelaire. Quant à l’indéniable beauté structurelle des poèmes des Parnassiens, elle a comme contre-partie - en ce qui me concerne - une absence totale de résonance intérieure. C’est ce qui fait que je les trouve beaux mais ne les ai pas
"faits miens", à de rares exceptions près.
Il m’a toujours semblé qu’il fallait élargir le champ de ce que l’on appelait poésie. Cet art ne devrait pas avoir de limites trop strictes dans sa définition. Ma vision de la poésie correspondrait à la vision baudelairienne telle qu’elle transparaît dans la dédicace de
Le Spleen de Paris écrite pour
Arsène Houssaye :
"Quel est celui de nous qui n'a pas, dans ses jours d'ambition, rêvé le miracle d'une prose poétique, musicale sans rythme et sans rime, assez souple et assez heurtée pour s'adapter aux mouvements lyriques de l'âme, aux ondulations de la rêverie, aux soubresauts de la conscience?"
Quoi de plus juste pour parler de la poésie si on la considère comme
"le porte-parole des aspirations irraisonnées, parfois déraisonnables des hommes, porte-flambeau de leurs espoirs, drapeau en berne de leurs désillusions" ?(*)
Alors voilà après, vois-tu, si on élargit à cela le
"style du poème" pour reprendre tes termes, la réponse à ta question devient "oui, beaucoup ! " car de
Les Seigneurs de l’instrumentalité de
Cordwainer Smith à
L’adieu à la nymphe d’
Ayerdhal en passant par
Les Galaxiales de
Michel Demuth ou tout bêtement la description d’un bar sordide éclairé par un néon blafard dans une œuvre cyberpunk, la poésie est bel et bien là et elle nous prend aux tripes même si elle n’est pas en vers.
Sinon je te communique ex-abrupto un document reçu ce jour et provenant selon toute invraisemblance d’un de nos futurs :
J’ai senti cet air délétère
La mer est morte, souviens t’en
Nous ne reverrons plus la Terre
Odeur de soufre et de cancer
Et souviens-toi, il y a mille ans…
G. APOLINERF – Extrait de
In Gaiae memoriam
Ce poème antique daté de l’an 3054 a été découvert en 9062 dans un poéticube retrouvé sur la planète AZ19 avant l’évacuation de cette dernière. Cette œuvre brève mais percutante connue sous le titre "L’émigrant" fait probablement allusion à La Grande Catastrophe de la Planète Origine. L’auteur est aujourd’hui un personnage mythique dont on enseigne encore les œuvres aux futurs Grands Souvenants de nos cités.
Encyclopaedia Galactica – An 11027
(*) Une phrase que j’ai sortie de son contexte propre, dont je serais bien infoutue de citer l’auteur mais qui convient si bien…