"Quand j'étais un petit garçon mon frère David et moi nous devions aller nous coucher de bonne heure, que nous ayons sommeil ou pas..."
Sainte-Anne et Sainte-Croix sont deux planètes dont le lien est bien particulier. Colonisées par les Français, puis perdues par ces derniers, les autochtones ont été exterminés pendant ce laps de temps, et c'est sur ces indigènes que le Dr Marsh, ethnologue, vient faire ses recherches, au pays des morts, au pays des fantômes...
Les chroniques martiennes :
"A un moment donné c'était l'hiver en Ohio, avec ses portes fermées, ses fenêtres verrouillées, ses vitres masquées de givre, ses toits frangés de stalactites, les enfants qui skiaient sur les pentes, les ménagères engoncées dans leurs fourrures qui, tels de grands ours noirs, avançaient pesamment dans les rues verglacées..."
La première expédition habitée atterrit sur Mars en 2030. Le Terrien disparait mystérieusement. Une autre mission est envoyée. La planète Mars serait habitée. Par qui, par quoi ? Faut il établir le contact entre les deux civilisations ou bien, faut il chasser les autochtones avant l'arrivée des colons ?...
Le style.
Nul doute que ces deux œuvres ont en commun ce verbe, et ces vers entre les lignes de la prose. La poésie est omniprésente. Ne me demandez pas pourquoi, je ne suis un spécialiste, juste quelques préférences pour la poésie romantique de Verlaine de Victor Hugo. Mais que ce style est fluide, que l’impression de flotter sur les nuages parfois est grande, et que la chute est brutale lorsque la révélation se fait jour et écarte les nuées sur lesquelles on paressait ! Les mots chez ces deux auteurs sont à double tranchant, doux à l’oreille et froid lorsque le chemin vers le cerveau est parcouru. C’est ce que j’ai ressenti de plus doux-amer, de plus destabilisant dans la littérature de la science fiction, très proche des « il a deux trous rouges au côté droit » de Rimbaud.
On a parfois un problème d’étiquette avec les chroniques martiennes qui, malgré la description de cette civilisation au développement technologique incontestable, semblent malgré tout diviser les lecteurs : SF ou fantasy ? On commencerait bien certaines des nouvelles de
Bradbury
par ‘il était une fois…’, ce qui nous ramène pour un temps dans les contes que l’on racontait au coin d’un feu, ces histoires de fantômes, formes spectrales sans substance et pourtant…L’Atlantide. La chute. Le drame humain.
Les aborigènes, les abos chez Gene
Wolfe
, les Martiens chez rayBradbury
, voilà encore un autre des points qui rapprochent ces deux œuvres. Toutes deux annoncent la disparition d’une civilisation. Il s’agit dans les deux cas d’une civilisation fascinante puisque les Martiens ont la maîtrise de l’énergie, ils ont la maîtrise de la télépathieLes abos, eux, ont disparu, du moins on n’en a pas vu depuis des années et des années.
Bradbury
etWolfe
nous décrivent tous les deux l’arrivée de l’envahisseur, et la disparition est aussi mystérieuse dans l’un et dans l’autre cas. Mais il réside une sorte de rémanence, car les fantômes de ces peuples semblent toujours là, éloignés dans le temps pour les chroniques et géographiquement pour le Cerbère. Et parfois, ce fossé est comblé par un effet étonnant de l’espace-temps de manière à ce que disparus et vivants se retrouvent parfois face à face.Dans tous les cas, l’envahisseur n’est pas forcément gagnant à long voire moyen terme, car la planète reprend ses droits : décrépitude, difficulté à exploiter la planète en question. Le constat majeur est que la colonisation est un échec cuisant, malgré les efforts pour coloniser ce petit bout de roches. Mars symbolise la ruée vers l’or, avec le massacre des indigènes, des indiens et habitants de ces terres depuis des millénaires, par exemple. Dans les deux cas, le racisme est sous-entendu à travers ces peuples décimés.
En conclusion :
Ces deux romans, recueils de nouvelles sont de magnifiques morceaux de poésie, au style étonnement fluide et envoûtant, témoignage poignant de la recherche d’une identité pour l’un et la dénonciation de la bêtise humaine dès qu’il s’agit du nouvel eldorado pour l’autre. Le racisme est au cœur des deux romans, l’écologie en plus chez
Bradbury
.Des romans à savourer, à dévorer, à lire et relire sans modération.