SF : mal aimée

		B'Elanna a écrit : je trouve que la SF est moins "mal aimée" en 2005 qu'elle ne l'était en 1975 ou 80, où on vous regardait vraiment de travers quand vous évoquiez le terme !

0-o... Euh, si on veut. En ce qui me concerne, je lis de la SF depuis 1980, et je n'ai pas vu changer les réactions des gens quand je leur annonce que j'en lis, alors même que je me donne le mal d'expliquer pourquoi ce genre me passionne. Et je trouve ça très dommage, parce que je ne parle pas là des goûts de qq intelligentsia abstraite, mais des gens qui m'entourent, qui sont importants pour moi, avec qui j'aurais envie de partager cette passion, et dont je suis à peu près sûre qu'ils aimeraient s'ils arrivaient à passer par-dessus le préjugé basique : "SF = sous-littérature".

		Citation : SF = sous-littérature

Lester del Rey emploie le terme de subculture dans le titre de son histoire du genre. Or l'on se méfie traditionnellement des subcultures en France — "la République une et indivisible", etc. La SF moderne (d'après-guerre) ayant éclos aux USA, elle est perçue comme un élément exogène. Il me semble que ça induit deux des réactions les plus caricaturales par rapport au genre :

1) La culture locale rejette cette subculture par ignorance, mépris et méfiance. (Et aussi, sans doute, parce que d'aucuns doivent lui trouver des relents de "communautarisme".)

2) Puisque la SF est perçue comme un genre anglo-saxon, il y a une préférence certaine pour les textes anglo-saxons au sein du lectorat, dont une partie plus ou moins importante selon l'époque voit dans la SF locale un sous-produit.

Comme dirait Maurice G. Dantesque, nous touchons là aux racines du mal.

Et ça fait un demi-siècle que ça dure.

star6 dit :

		Citation : Désolé, mais je ne vois pas pourquoi un forum consacré à la sf serait un drôle d'endroit pour demander pourquoi la sf est mal-aimée, ou pourquoi on ne demanderait pas dans une boucherie pourquoi il y a des végétariens!

Désolé, c'est mon esprit chagrin qui a pris le dessus dans ce message ! je voulais juste dire que par nature, toute personne écrivant sur ce forum est un amateur de SF, et donc ne pourra pas savoir pourquoi certaines personnes n'aiment pas ca, et encore moins le comprendre, mais seulement essayer de le deviner et d'extrapoler...

Parmi les gens autour de moi qui n'aiment pas, c'est souvent qu'ils n'ont pas essayé, mais qu'ils ont des a priori. Ceux qui ont essayé et qui n'aiment pas, je comprends mieux, même si je ne suis pas d'accord, et que je suis frustrée de ne pas pouvoir en parler avec eux. Mais ceux-là, au moins, ils savent (et donc moi aussi) pourquoi ils n'aiment pas. Les autres...

Il y a aussi ceux qui n'ont lu que des livres style Vance ou Azimov et dont le style leur a paru trop léger. Ce sont generalement les même qui face à 1984 disent que ce n'est pas de la SF mais une reflexion sur le totalitarisme (et s'ils connaissaient Brunner ils auraient sans aucun doute le même genre de réaction).

En ce qui concerne ma propre expérience, je donnerais une autre raison très fréquente de l'échec à faire aimer la SF : l'incapacité qu'ont la plupart des gens à s'immerger dans un imaginaire très loin de leur réalité.

Par exemple (extrait) :
Une radieuse journée de 2381 commence. Le soleil matinal est déjà assez haut pour illuminer les cinquantes derniers étages de Monade Urbaine 116. Bientôt, toute la façade orientale étincellera comme la surface de la mer au point du jour.
Activée par les photons des premiers rayons, la fenêtre de Charles Mattern se déopacifie...

La majorité des gens, au bout de ces 3 phrases, n'ont rien compris (ce qui est un peu normal) et ne peuvent se donner la peine de poursuivre en se disant que l'explication va arriver petit à petit. Comme si, ne plus avoir de référence à la réalité connue était une difficulté insurmontable. Ce n'est pas une question d'imagination ; je n'en ai aucune et suis incapable d'inventer une histoire ; c'est un phénomène que, personnellement, j'ai du mal à m'expliquer.

Salut,

Je pense aussi que les gens ont du mal à s'immerger dans un imaginaire très loin de leur réalité. Ca doit effectivement être un problème de référent, puisque toute histoire renvoie à un référent. Or, depuis des siècles, la littérature, c'est d'abord la mimésis, l'immitation de la réalité. Peut-être que ça vient aussi de là, que la plupart des gens aime des histoires qui ont pour référent la réalité qu'ils connaissent, seule condition pour que leur imaginaire puisse être entrainée dans la fiction. WHAOUH! J'ai mangé du banania ou quoi!
Salut.

exact, Delany avait rapporté cet argument...
responsabilité et culpabilité, subculture suspecte, lecture pas évidente, etc...
dites-donc, au final, on se demande vraiment comment certains peuvent aimer la sf... - zêtes maso, c'est pas vrai... :D

		ElJusticiero a écrit : Lester del Rey emploie le terme de subculture dans le titre de son histoire du genre. Or l'on se méfie traditionnellement des subcultures en France — "la République une et indivisible", etc. La SF moderne (d'après-guerre) ayant éclos aux USA, elle est perçue comme un élément exogène. Il me semble que ça induit deux des réactions les plus caricaturales par rapport au genre : 1) La culture locale rejette cette subculture par ignorance, mépris et méfiance. (Et aussi, sans doute, parce que d'aucuns doivent lui trouver des relents de "communautarisme".) 2) Puisque la SF est perçue comme un genre anglo-saxon, il y a une préférence certaine pour les textes anglo-saxons au sein du lectorat, dont une partie plus ou moins importante selon l'époque voit dans la SF locale un sous-produit. Comme dirait Maurice G. Dantesque, nous touchons là aux racines du mal. Et ça fait un demi-siècle que ça dure

Ne pas oublier non plus que le milieu littéraire d'après guerre était notoirement d'obédience communiste. Un genre venant des USA ne pouvait être donc que déprécier

		Citation : Ne pas oublier non plus que le milieu littéraire d'après guerre était notoirement d'obédience communiste.

C'est vite généraliser !
Des gens comme Camus ou Gide, Cocteau, Vian, Queneau, Bataille, Leiris, Caillois, Zevaco, Curval et beaucoup d'autres étaient anti-staliniens.

D'autant plus qu'il y a toujours eu une sf derrière le rideau de fer, qui évolua avec les libéralités plus ou moins étendues de la censure.