Le roman se divise en deux parties. La première permet la mise en place de l’univers de Babel 17, une guerre longue et douloureuse, une société divisée entre Stables et Mobiles, le second groupe composant les équipages des vaisseaux qui vont de planètes en systèmes, et dont l’apparence physique doit beaucoup à la cosméchirurgie. Au cours de cette partie du livre, Rydra Wong se voit confier un vaisseau – elle a son brevet de capitaine – et accompagnée d’un contrôleur administratif constitue son équipage (pilote, navigateurs, décorporels, peloton chaperonné par son gorille). Beaucoup plus rapide et dynamique paraît le second temps du roman. Le Rimbaud a pris le départ, et connaît son premier sabotage. Un ennemi semble s’être glissé dans le maigre équipage. Par un jeu d’enfant, le vaisseau sort du piège fatal où l’asphyxie guettait ses habitants, pour rencontrer la mort à son escale suivante, puis un nouveau sabotage, et la récupération par un vaisseau fantôme dirigé par Tarik assisté du Boucher.
Démesure et exubérance foisonnent avec les personnages de Samuel
Delany
. Ils sont plongés dans une intrigue digne d’un feuilleton de cape et d’épée, version terrestre du space opera. Ils sont transcendés par l’intelligence de la trame narrative tissée parDelany
, par cette énigme qu’est Babel 17 qui se développe et enveloppe l’ensemble du roman.Réflexion sur le langage, Babel 17, sur un thème semblable à celui développé par Jack Vance dans Les langages de Pao, ne partage ni la poussière ni l’ennui qui se dégagent aujourd'hui du roman de Vance.
Pourtant, la narration, toute de simplicité et de linéarité, apparaît datée, désuète, désarmante. Le talent de
Delany
entre alors en scène. A la simplicité de l’intrigue répondent l’exubérance et le naturel des personnages. A la linératité formelle du récit répond l’idée qui le sous-tend et en fait l’unité et la force.En moins de trois cents pages, un roman brillant sous une apparence convenue de space opera, une réflexion fine sur le langage véhicule et formateur de la pensée. Comparé aux productions actuelles (1500 pages, sinon rien) Babel 17 peut sembler minimaliste, les sous-intrigues sont absentes, tout est utile au récit. S’il a la qualité du minimalisme, Babel 17 n’est pas simpliste un seul instant ( au contraire de nombre de pages de productions actuelles).
Babel 17 a été récompensé par le Nebula en 1966. Il n'avait pas encore sa fiche sur CSF, voilà chose faite.