Il est étrange, inquiétant, ce capitaine qui recrute tout un équipage comme on lance une paire de dés. Ses expressions faciales sont illisibles, brouillées par la balafre récoltée à une fête parisienne. Son but est énigmatique, monstrueux, plonger au cœur d’une étoile, mais dans quelle fin ?
Ses ennemis ne sont pas moins monstrueux. Ce Prince Red, riche au-delà des lois, auteur de la cicatrice, marqué lui aussi dans sa chair. Ruby, la sœur de Prince Red, belle et dévouée à son infirme de frère. Ils incarnent la puissance du Dragon, peut-être aussi une certaine décadence, tout comme Lorq, rejeton d’une des plus importantes familles des Pléïades, est l’image du mouvement.
Les lignes de force du roman sont imbriquées les unes aux autres avec maestria. La démesure de Lorq et de Prince Red vue par les yeux des autres personnages est le soleil qui éclaire la civilisation humaine éployée à travers mille étoiles et planètes. Cette humanité qui a essaimé dans l’espace est unie par sa maîtrise des machines, une maîtrise qui fait de la machine un prolongement de l’homme. Principaux ou secondaires, les personnages que fait évoluer Samuel
Delany
sont soumis à leurs obsessions intimes, lesquelles soutendent leurs actions et réactions, des courants marins sous la surface des êtres.Le roman dans le roman est introduit par le personnage de Katin. Cet amoureux des lunes ne se déplace jamais sans son enregistreur . Les quelques notes préparatoires auquel le lecteur de Nova a accès, sur plusieurs centaines, dévoilent, par bribes et de manière incomplète, la complexité de l’univers dans lequel
Delany
à placé son intrigue façon western. La complexité d’un monde et une forme propre au mythe mis en abyme par un roman en préparation, dont le sujet non arrêté évolue en fonction des évolutions de l’intrigue.Du très grand roman de science-fiction. De ceux dont on sait à la lecture, qu’il faudra y revenir. Pour le plaisir de la relecture, pour le plaisir de nouvelles découvertes.
Le foisonnement de Nova ne se prête pas à l'énumération, et c'est une des qualités du roman que de ne pas se donner au lecteur. Ce sont des éclairs d’informations qui permettent d'appréhender les rites et les rythmes d’un monde étranger où l’homme demeure. C’est un voyage au sens baudelairien.
Un matin nous partons, le cerveau plein de flamme,
Le cœur gros de rancune et de désirs amers,
Et nous allons, suivant le rhythme de la lame
Berçant notre infini sur le fini des mers :
Les uns joyeux de fuir une patrie infâme ;
D’autres, l’horreur de leurs berceaux, et quelques-uns,
Astrologues noyés dans les yeux d’une femme,
La Circée tyrannique aux dangereux parfums.