"Une machine est un homme retourné en son envers, car si elle possède le don de décrire le moindre détail d'un processus, ce qu'un humain est incapable de réaliser, elle ne peut en faire l'expérience"
Le temps d'un souffle, je m'attarde (1966) - Roger Zelazny
L’auteur de la préface met en perspective l’écheveau que constituent les 8 romans du cycle de la Culture. N’ayant lu aucun de ces romans, cette introduction répond à l’épineux problème de commencer ce grand space opera. Et, en proposant un guide de lecture avec ces détails sommaires, cette préface rend compte des aspects de cette société galactique, et fournit les éléments pour apprécier la lecture de ce recueil.
La première nouvelle nous dépose le long d’une mystérieuse route bordée de crânes sur laquelle trois mystérieux protagonistes avancent sur une charrette halée par un mystérieux cheval, et en direction d’une mystérieuse Cité. La chute humoristique illustre le célèbre adage qu’ « en littérature, chaque idée a son envers et son endroit » : une route qui n’en est pas une, un cheval qui n’en est pas un. Une courte entrée de 3 pages, le résultat est un peu décevant, mais dépaysant.
Un cadeau de la Culture est un pistolet destructeur et bavard dans les mains d’une renégate de la Culture qui est soumise au chantage exercé par deux criminels. L’illustration de couverture par Manchu est un spoiler, ceci-dit, ni le dénouement, ni le dilemme du personnage ne m’a intéressé: une impression de déjà lu, ou de déjà vu.
Sans transition, Curieuse jointure raconte d’atrôôôces sévices corporels. Une variante de l’effeuillage de pétales de marguerite. Amusante.
Mais, c’est Descente qui est la plus fascinante, elle ne relâche à aucun moment notre attention : un homme et son scaphandre se sont écrasés sur la surface d’une planète inhospitalière, et tentent de rejoindre la base la plus proche. Une longue conversation étrange, passionnante, aliénante entre l’homme et sa combinaison se construit au cours de cette longue marche. Une des meilleures nouvelles de SF que j’ai lu, relevant de la finesse psychologique. Le genre d’histoire qu’écrit Christopher Priest.
Nettoyage se passe sur Terre quand un vaisseau-poubelle extraterrestre décharge accidentellement des produits de consommation provenant de leurs planètes. Pleine d’humour, cette nouvelle m’évoque l’extraordinaire pluie de téléphone qui commence le roman Singularity Sky de Charles Stross, et la suite des évènements quand une petite voix au bout du fil demandait : « Bonjour. Tu veux bien nous distraire? ».
Fragments est plus sobre, une réflexion sur le terrorisme, les arguments de la science contre la foi, et de Dieu contre l'évolution. Une fin abrupte et ironique (… qui s’appuie d’ailleurs sur un vrai fait divers.)
Enfin, la novela L’état des arts, qui tient sur la moitié du livre. Une équipe de la Culture visite incognito la Terre, rencontre ses peuples et ses cultures. La nouvelle est inégale, pourtant le récit est intelligent, ouvre sur des réflexions technologiques, et propose des issues à la condition humaine avec cette « tonalité souvent morbide et mélancolique, compensé par un humour permanent, marqué par l’absurde, l’exubérance et l’ironie. » (pas mieux dit que AK, l’auteur de la préface)
La nouvelle Eclat, un exercice de style et une idée étrange, termine le recueil sans éclat.
L’Essence de l’art est un très bon recueil de nouvelles.