Entrée en matière :
« Il rugit. C’était le dernier jeu inventé par les jeunes Ouqdars. Peu d’entre eux arrivaient à reproduire toute la gamme des sons qu'éructait leur animal fétiche. Damballah seul en avait maîtrisé les plus subtiles modulations.
Son cri se répercuta longtemps de miroir en miroir avant de se briser sur les parois rocheuses. L’acoustique était parfaite dans le cirque désert. Damballah aimait s’y installer dès l’aube. A cette heure, il pouvait rêver sans risque d’être interrompu… »
L’histoire :
Damballah vit sur le monde Farkis, où les Ouqdars, peuple auquel il appartient, sont des humanoïdes asexués noirs mi aquatiques, mi terrestres dont la ville Fontaraigne à la société féodale qui vit dans la crainte et la révérence de la déesse Khimer et de ses shamans. Damballah arrive au cycle où il doit engendrer son double et perpétuer la vie de sa lignée mais il s’avère qu’il doit enfanter un double albinos, du jamais vu sur Farkis…
Un démarrage difficile.
J’avoue avoir eu du mal à commencer ce roman. S’agissait il d’un roman de science fiction ou d’un roman de fantasy ? Des shamans, des prêtres, une société féodale… j’ai été assez déstabilisé par l’entame du roman.
D’autant plus que j’avais eu du mal à accrocher au style de l’auteur : les phrases étaient courtes, le style épuré, les noms des personnages étaient lourds. Bref, aucun moyen à quoi se raccrocher.
Et puis l’intrigue s’est mise tout à coup en place, les personnage ont cessés d’être mystérieux, le style est devenu plus recherché et on sent que l’auteur s’est efforcée de trouver des tournures assez ambitieuses. Le rythme a changé.
L’histoire a commencé.
Pélérinage.
Du coup, on se prend au jeu de ce personnage qui passera par toutes les souffrances et développera divers talents pour essuyer le sang des coups de griffes du destin qui se joue de lui, au moment où il croit en avoir enfin terminé. Ce véritable voyage initiatique m’a parfois fait penser aux ailes de la nuit de Silverberg, mais en plus pessimiste.
Le dénouement était en plus assez surprenant et bien tourné, amenant malheureusement une explication presque complète de l’origine de ce monde, et aurait dû laisser une part de mystère au lecteur. Malgré tout, une fin ouverte permet d’éviter les habituelles et sempiternelles fins-clichés.
En résumé, un roman qui m’a rappelé certaines oeuvres du grand Silverberg.
Extraits :
« Damballah avait décidé de vivre. De vivre pour tuer. Seule l’idée de sa vengeance le soutenait. Tel un acide, elle le rongeait aussi. Certains jours, quand sa nouvelle tâche lui en laissait le loisir, il chevauchait jusqu’au désert de Baal-ana où personne ne pourrait l’entendre. Et là, il criait, il lançait ses cris dans le labyrinthe des dunes, il les poussait comme une écume sur l’océan des pierres, il les essoufflait autour des rondeurs aveugles des mornes.
Il s’arrêtait lorsque sa voix lui manquait, pacifié d’avoir transféré sa hantise en un nœud de douleur physique, satisfait de sentir ce nœud étrangler sa parole, toutes les paroles maudites, toutes les phrases imprudentes que Mercure avait détournées. »