Wintrebert
, Les maîtres-feu est une oeuvre beaucoup moins grave que Les olympiades truquées.Placé sous le signe de Vance et de Wul, Les maîtres-feu est un formidable divertissement, qui n'en oublie pas pour autant de poser quelques questions sérieuses et dérangeantes.
Là encore, nous avons un roman aux personnages soigneusement fouillés, même pour les personnages secondaires.
Nous sommes sur Dante, planète volcanique où les humains cohabitent avec les Oï-tiki. Forte de sa maîtrise techonologique, l'humanité a essaimé à travers l'univers. Aussi éparpillée soit-elle, l'humanité vit sous le joug d'une théocratie tenue d'une main de fer par l'Eglise. Les Oï-tiki sont des sauriens bipèdes très évolués. Leur civilisation -à l'instar de la notre- mèle maîtrise technologique et cruauté. A ceci près que chez eux, la cruauté n'est pas volontaire : il n'y a aucun sadisme. Ils restent largement indifférents à l'humanité. La réciproque cependant, n'est pas vraie...
D'un coté donc, nous avons Jordane. Son dictateur de père vient de mourrir. Leurs relations furent très distantes, et le seul véritable mérite de ce dernier fut d'apprendre l'Oï-tiki à sa fille.
De l'autre, Bên-iî-iî (que l'on appellera Beni), jeune saurien parti surfer sur les torents de lave.
Jordane, lors d'une fugue, va se crasher en pleine jungle. Elle va faire la rencontre de Beni. Ce dernier compte bien faire de Jordane un succulent repas. Qu'elle n'est donc pas sa surprise de découvrir que la jeune humaine parle sa langue ! Nous voici donc partis pour de rocambolesques aventures, qui permettront à Jordane de découvrir, épatée, la civilisation Oï-tiki.
Les humains eux-aussi ont fait une découverte surprenante. En effet, un savant vient de découvrir l'origine de l'extraordinaire longévité des sauriens, qui vivent plusieurs siècles. La lutte va alors s'engager pour savoir qui, des humains ou des sauriens survivra. Car le secret de l'immortalité se trouve dans le foie des sauriens. Connaitront-ils le même sort que le Grand pingouin, le Dodo ou le Dauphin de Chine ?
Outre un roman d'aventure dans la grande tradition d'un Vance (Tschaï) ou de la jungle wulienne (Piège sur Zarkass), Les maîtres-feu posent de nombreuses questions.
Celle du colonialisme, bien entendu. Mais aussi l'éternel problème si bien posée par Machiavel : "La fin justifie les moyens".
Wintrebert
se situe d'emblée du coté de Camus, qui répondait "Quelle fin peut justifier de tels moyens ?". En effet, peut-on s'autoriser l'éradication d'une civilisation brillante, voire d'une espèce entière, pour ses seuls caprices ? Il suffit de se rappeler des Codex aztèques brûlés par l'Eglise, ou de toutes ces espèces volontairement exterminées par l'homme, pour se poser la question.Certes, la longévité est tentante. Mais l'homme la mérite-t-il ?
La réponse -malicieuse- de Joëlle
Wintrebert
est l'un des points forts de ce livre.Loin de signer un simple divertissement, Les maîtres-feu reste quand même un livre beaucoup plus léger, et surtout beaucoup moins sombre que Les olympiades truqués. Les questions qu'il pose et les réponses qu'il y apporte, avec une délicieuse pointe de sarcasme contre le racisme et le colonialisme en font un véritable petit enchantement dont il serait vraiment bien dommage de se priver.