Dorémieux a repris la plume, Klein poursuit sa collection, tandis qu’ici et maintenant n’est plus.
Walther, Pelot, Andrevon, Jeury ou Ruellan sont des valeurs sûres, tandis qu’arrivent Houssin et Brussolo. Et Philip Goy publie son dernier opus.
Serge Brussolo publie son premier livre, un recueil de nouvelles.
Brussolo et
Curval
publient donc leur premier recueil, la même année, et dans la même collection.Avec une douzaine de romans, et plusieurs prix à son actif,
Curval
nous offre donc un recueil inédit, tandis que son comparse Ruellan s’occupe de son superbe Livre d’or.Toujours en marge, ce franc-tireur choisit un thème unique, et remet au goût du jour l’un des incontournables de la sf : l’extra-terrestre.
Comme,il l’explique dans une préface lumineuse, l’extra-terrestre est un grand oublié qu’il convient de remettre au goût du jour.
Une préface et 7 textes de longueurs variables autour d’un même thème, qui nous donnent donc 8 réussites.
La préface est intelligente, et d’un humour d’une retenue très
curval
ienne.Passons aux nouvelles.
J’aime le béton frais reprend le grand classique de l’invasion ET. Les humains ont le choix entre la collaboration et la misère. Le héros, qui n’a connu que la misère, tente de se rapprocher des envahisseurs.
Ce texte donne le ton du recueil : à partir de thèmes classiques (contact, altérité, incompréhension, ethnofiction…),
Curval
joue sa petite musique, et offre à chaque fois des textes brillants et originaux.Ou comment faire du neuf avec du vieux, sans jamais rapiécer des vieilleries.
Admirable jeu pour personnes bien faites et Le tyran suspendu sont des textes à chute, avec un humour remarquablement juste.
Le premier parle de sexualité et sa chute évoquerait Brown. Imaginez une société où le droit de se reproduire est une loterie. Vous attendez donc devant votre télé, pour voir si c’est votre tour de perpétuer l’espèce. Coup de chance, le couple de la nouvelle gagne le gros lot. Puis vient la chute, imparable et géniale, digne du meilleur Brown
Le second, satire anticolonialiste et anarchisante, nous offre une belle ethnofiction, à la chute digne du meilleur Shecley. Un reporter arrive sur une planète, sur laquelle règne un tyran qui surplombe littéralement ses sujets depuis une sorte de toile d’araignée, et se soulage la vessie sur eux. Ce qui nous parait répugnant est vu là-bas comme une chance. Relativisme culturel ? Il n’en est rien, et
Curval
tisse une intrigue maline à souhait, où tout est rationnel. Le tout servi par une excellente chute, digne du meilleur Shecklsy.L’ethnofiction et l’alterité sont au cœur de Pas de Bic et pas de bonbons.
L’altérité n’est pas une métaphore, mais plutôt l’incompréhension d’un humain face à des ET invisibles et incompréhensibles. Le contact est donc difficile, et l’échange et la compréhension impossibles.
Un très beau texte, original et fort, avec encore une très belle chute.
Mystère, incompréhension et altérité sont aussi au menu de Ménage à six. La polygamie est tout à fait normale dans la société en question, mais que cache cette organisation sociale ? Là encore, un texte à chute très réussi.
Regarde fistion, s’il n’y a pas un extra-terrestre derrière la bouteille de vin, explore la relation père-fils, sur fond d’alcoolisme. Un père et son fils s’aventurent dans la jungle guyanaise, jusqu’à une ville abandonnée, et la découverte d’un extraterrestre… que seul le père peut voir. Avec ce texte, le plus long du recueil,
Curval
signe un texte magnifique, plein d’empathie et d’humanité. Maginifique.Enfin, Bruit de fond et A nous la félicité éternelle se situent aux marges du thème.
Dans le premier, qui s’inscrit dans le cycle de L’Europe après la pluie, la rencontre se révèle inattendue. Dans le second, c’est une histoire d’univers parallèle : imaginez donc que le Paradis existe, et que ce ne soit qu’un univers parallèle. Oui, mais quel paradis ? Un texte joyeusement anticlérical (ni dieu ni maître !), thème qui fait toujours plaisir.
Au final, ce recueil confirme ce que savaient déjà, à l’époque, les lecteurs de
Curval
.Le romancier brillant n’a donc rien à envier au nouvelliste, certainement l’un des meilleurs de la francophonie, avec Andrevon ou Dunyach.
La nouvelle, curieusement mal aimée, reste un pilier de la sf, dont il serait dommage de se priver. En antho ou en recueil, thématiques ou chronologiques, il ne faut jamais hésiter à s’aventurer dans la forme courte, qui offre infiniment plus de variétés que le roman.
Ouverte à toutes les expérimentations, les longueurs (comme le prouve ce recueil), elle permet d’illustrer des thèmes, et de raconter des histoires qui conviennent à merveille à ses formats, et qui se dilueraient dans le roman.
Bref, lisez des nouvelles !
Lisez du