« A dix-neuf heures, temps de bord, je me dirigeai vers l’aire de lancement. Autour du puits, les hommes se rangèrent pour me laisser passer; je descendis l’échelle et pénétrai à l’intérieur de la capsule… »
L’histoire :
Solaris. Un monde découvert il y a plus d’une centaine d’années se révèle être le plus grand mystère scientifique de toutes ces décennies. Un monde recouvert d’une mer aux reflets étranges. C’est ici que Kelvin est envoyé, auprès de trois scientifiques, qui malgré le mystère de plus en plus épais, tentent d’en percer les rouages. C’est ici que Kelvin sera confronté à des événements de plus en plus étranges. Hallucinations ou phénomènes bien réel ? La réponse se trouve peut-être sur la planète...
Huis Clos efficace.
La première partie du roman a ceci d’impressionnant que l’on est propulsé dans une station au fin fond de l’espace, à des années-lumière de toute civilisation, de tout contact avec la société « habituelle ». Ici, une ambiance, une tension palpable s’exerce sur le lecteur. On est tout seul au milieu de nulle part, avec des scientifiques au comportement plus qu’étrange, près d’un monde, s’il n’est pas hostile, exerce une attraction hors du commun, tout en ignorant le danger potentiel. Car ici réside le mystère : quelle est cette planète ? Comment fait elle pour garder une orbite stable autour d’une étoile double ? Y a-t-il une entité vivante, intelligente ? Et dans ce cas, pourquoi n’y a-t-il pas de contact ? Ou peut-être ne savons nous pas reconnaître cet appel…
J’ai aimé la narration historique des premières expériences faites sur ce monde, raconté avec toute la paranoïa et la tension propres à la période de guerre froide, très inquisitrice, dont on devine que des parcelles d’information ont été tronquées, car « secret défense ».
Ce huis clos est véritab
lem
ent étouffant, la paranoïa est à son paroxysme jusqu’au contact.La place de l’homme dans l’univers.
Ce roman nous fait prendre conscience d’une chose : l’homme est –il capable d’appréhender un contact avec une espèce/entité venant d’outre espace ? Avons nous la volonté d’aller le comprendre ? Saurons nous reconnaître l’appel ? Nous, qui étudions de puis des dizaines d’années les messages radio, les émissions dans tous les spectres d’ondes. Pourquoi le contact ne se manifesterait pas d’une autre manière, plus concrète, mais aussi plus personnelle ?
Enfin, l’homme est un animal doué de raison, mais c’est aussi une machine biologique imparfaite. L’homme est vertueux, mais l’homme fait des erreurs. Einstein a dit : « il y a deux choses infinies : l’univers et la bêtise humaine ». Et cette bêtise, ces erreurs, sommes prêts à y faire face. Si soudain, ce qu’il y avait de plus enfoui, de plus noir en nous ressurgissait, saurions nous y faire face ? Saurions nous laver notre conscience après l’avoir étalée au grand jour ?
Impossible de savoir, nous oublions, nous effaçons, nous ignorons.
Ce roman à deux temps est un des plus prodigieux romans sur la détresse humaine que j’ai lu. C’est véritab
lem
ent une œuvre magnifique, tragique, dramatique. Les descriptions sont magiques. Un chef d’œuvre de StanislasLem
.Extraits :
« Au sortir de la grotte blanche, la chaleur me parut étouffante. Je suivis le couloir et je montai l’escalier, qui me ramena vers la gare spatiale. Je m’assis sur les anneaux d’un parachute enroulé; je me pris la tête entre les mains. J’étais assommé. Mes pensées s’échappaient ; impossible de les retenir, elles glissaient le long d’une pente abrupte… Que m’arrivait il ? Si ma raison s’effondrait, autant perdre conscience tout de suite ! L’idée d’un anéantissement immédiat éveilla un espoir inexprimable – irréalisable. »
« Imaginons, disait-on, un édifice datant de l’a splendeur de Babylone, mais construit dans une substance vivante, sensible et capable d’évoluer; l’architecture de cet édifice passe par une série de phases et prend sous nos yeux les formes d’une construction grecque, puis romaine ; les colonnes, telles des tiges végétales, deviennent ensuite plus minces, la voûte s’allège, s’élève, s’incurve, l’arceau décrit une parabole abrupte et se rompt en flèche. Le gothique est né, il atteint sa maturité, le temps fuit et de nouvelles formes se dessinent; l’austérité de la ligne disparaît sous les explosions d’une exubérance orgiaque, le baroque s’épanouit sans retenue ; si la progression se poursuit, étant toujours entendu que nous considérons les mutations successives comme les étapes d’une vie évolutive, nous arrivons enfin à l’architecture de l’époque cosmique, et nous parvenons peut-être à comprendre ce qu’est une symétriade. »