Comment lire la sf de papa ?

La sf vieillit-elle ? Comment doit-on aborder les anciens ouvrages ? Pourquoi ?
Résumé des épisodes précédents

		Sandrine pose la question : : cela ouvre un débat intéressant, peut-on (doit-on) lire Bester (ou plus généralement tout texte relativement ancien dans l'histoire de la SF) comme on lit Bacigalupi (ou tout autre texte produit récemment) ou existe t-il un mode de lecture (historique ?) obligatoire pour les apprécier ?

		Lobo répond : Oui c'est un débat intéressant. Perso je pense que la SF vieillit très mal parce qu'elle évolue à la fois comme la littérature et comme la science... Pour apprécier une oeuvre de SF du lointain passé, il fait être soit très naïf, soit très cultivé et, dans ce cas, la lire en reconstituant ce que pouvait être l'émotion d'un jeune lecteur américain de Astounding de la fin des années 30 par exemple, ou de Galaxy des années 50... Ou alors la lire pour l'effet kitsch... Bien sûr, ça dépend de quelle SF... Quand la SF ressemble à la fantasy, qu'elle décrit un monde temporellement indéterminé, elle vieillit beaucoup moins... Fondation, Dune...

		Vda ajoute : : Il est, c'est mon avis, assez amusant et parfois cocasse de lire les anciens de la SF, ceux de l'Age d'Or. Ainsi, tout en lisant de la science-fiction, on peut se retrouver dans un futur qui ne saurait advenir (un avenir mort-né en quelque sorte) ou dans ce qui est désormais notre passé (alternatif donc). D'où un sentiment de vertige qui s'ajoute au sens of wonder du genre. J'avoue une certaine bienveillance vis-à-vis des auteurs fondateurs de la SF.

J'essaie de répondre dans la journée...

		Citation : Comment lire la sf de papa ?

Avec maman ?

Plus sérieusement, les enjeux ne sont clairement pas les mêmes.

Bon, n'ayant pas la concision de LeGaidol, je ne m'y retrouve pas...

Je zappe pour l'instant la formulation de Sandrine, qui pose la question dans son ensemble pour juste répondre à un extrait.

		Citation : Pour apprécier une oeuvre de SF du lointain passé, il fait être soit très naïf, soit très cultivé

Le verbe apprécier est ambigü. Entre jauger et aimer... Sur ce point, je suis pour une approche "historicool". Quand je lis un texte "ancien", le background historique m'offre une certaine compréhension, certes, mais comme ma connaissance est limitée, je dois évidemment rater pas mal de choses. Maintenant, la lecture m'aide aussi à raviver ces connaissances - ou idées, fausses pourquoi pas - donc heureusement je ne m'en prive pas. Et, en un sens, elle complète aussi.
Je note cependant que la question est assez proche pour la littérature contemporaine. Les limites de ma culture m'ote sûrement pas mal de compréhension de l'oeuvre.
En un sens, le fait d'être de l'époque peut même me donner l'illusion que je saisis le principal, alors que le livre ancien m'oblige à penser que je rate pas mal du texte.

Trop vite dit, mais ça crame dans le four... je cours !

Edit : il y a toujours un certain nombre de choses fort appréciable en dehors du contexte historique - général ou du genre.

Il y a des livres et des films (ils ne sont pas nombreux), comme Frankenstein de Mary Shelley, Alice au pays des merveilles de Lewis Carroll, [...] , qui ne me motivent pas. Je me dispense de l'œuvre originale car l'histoire n'a plus rien d'énigmatique ou d'original. Le fait est : ces récits ont été de très nombreuses fois adaptés, repensés, parodiés, sabordés.. Et, c'est pourquoi j'ai le sentiment que leur lecture sera "certainement" ou "malgré tout" sans surprises. Or, avoir de la culture, ca commence par le fait de les avoir lu, je me trouve donc dans la position du lecteur décris par Morca. En fait, tu parlais de culture G, ca tombe bien, je n'en ai pas non plus. ( : Les récits m'offrent donc beaucoup d'illusions...

Si je me fais une illusion sur une illusion, est ce que je retombe sur la juste réalité ? ---> d :

Pour le reste de la SF et la bibli' fantastique de papa, je suis sans réticences.
I quote :

		vda, à propos de La Couleur tombée du ciel : D'autant plus apprécié que le monde conté par l'auteur, celui de la fin du XIXe et du début du XXe siècle, avec ses automobiles remplaçant peu à peu la traction animale, ses trains, ses phonographes, est un monde disparu.

+1 ... pour l'émerveillement et l'évasion face à un monde perdu.

Un monde authentique et passé procure désappointements et amertumes, quant un monde imaginaire et à venir procure désappointements et craintes. Pas les mêmes enjeux, je le vois comme ça.

Pourtant, les originaux dépassent habituellement les copies, et ses originaux sont aussi les "vrais" ouvrages qui ont frappé l'esprit - notamment, parmi d'autres, les deux que tu cites. Personnellement, je préfère aller voir à la source...
Les adapts de frankenstein rabaissent et détournent pour beaucoup l'oeuvre originale. J'ai beaucoup aimé ce livre, y joue sans doute l'effet "objet historique". Je relirais un jour ALice, car par contre, j'avoue que je me suis fait ch...

Mmmm, on peut lire la SF de papa et y prendre plaisir. Je ne sais pas pour vous, mais je relis avec plaisir Révolte sur la Lune, par exemple. Ou Les dépossédés (ce qui me rappelle une certaine discussion aux Utos avec vda...). Mais il est fort probable que je ne la lis pas comme papa la lisait (je ne la lis même pas comme je la lisais il y a 25 ou 30 ans !)

Tout à fait, ce serait impossible sans doute.
Je trouve aussi que les livres anciens abordent des thèmes parfois assez proches des préoccupations de notre monde, malgré l'écart dans le traitement, dû à leur grand âge.
Pour les deux derniers que j'ai lu : Paris au XX° de Verne parle de catégories d'individus exclus et brisés par une société dont les valeurs premières sont le commerce, la finance, l'argent. Voilà qui résonne singulièrement.
Pour Le dernier Homme de Shelley, bien plus éloigné formellement et dans l'"anticipation", il décrit cependant la destruction de l'humanité par la peste. Notre actualité est régulièrement agitée par de telles préoccupations, la dernière en date ayant cours sous le doux nom d'h1N1.
Ces oeuvres, sous certains abords, peuvent parler plus à certains que d'autres moins datés.

Autre point : la SF étant un genre... comment dire... Bin, un genre quoi, on peut imaginer que les oeuvres s'insèrent toujours dans une continuité historique et dans un jeu de références. Ainsi, lire de la sf ancienne, c'est sans doute éclairer ses lectures récentes...

J'ajoute aussi que la question de l'érudition nécessaire à la compréhension d'une oeuvre se pose tout genre - et tout média - confondu. Devrait-on pour autant éviter les oeuvres anciennes, ce serait sans doute dommage.

		Citation : Mmmm, on peut lire la SF de papa et y prendre plaisir. Je ne sais pas pour vous, mais je relis avec plaisir Révolte sur la Lune, par exemple. Ou Les dépossédés (ce qui me rappelle une certaine discussion aux Utos avec vda...). Mais il est fort probable que je ne la lis pas comme papa la lisait (je ne la lis même pas comme je la lisais il y a 25 ou 30 ans !)

Ca c'est pas la SF de papa, ça date des années 70, la SF avait déjà environ 50 ans d'existence...

La Science Fiction d'il y a un siècle met en exergue les mêmes craintes et les mêmes attentes de cultures occidentales embarqués dans la révolution industrielle, qu'elles soient passées ou présentes. Finalement la différence se retrouve dans la forme même du roman, ses normes, ses valeurs, ses dates ou ses géographies, le reste, quant à lui, est toujours d'actualité. Nous ne sommes que l'extension de l'industrialisation, la fin des régimes monarchiques et l'avènement de l'idéologie protestante capitaliste, la Science Fiction est le symptôme (et peut-être le remède ?) premier de cette évolution majeure de l'occident. Je pense sincèrement que lire d'anciens ouvrages de Science Fiction nous permet d'agrandir notre ouverture d'esprit sur la rupture fondamentale qui s'est déroulée au 19ème siècle, on découvre que les interrogations sont les mêmes, mais pas seulement, alors qu'aucune réponse n'est donnée par l'avenir, les questions, quant à elles, s'accumulent au fil des ans.

Comment lire la sf de papa ?
Ben, comme celle du fiston (bientôt on aura le jeu des 7 familles complet^^), avec l'esprit ouvert. Chaque roman de sf offre au lecteur un univers nouveau qui s'inscrit rarement dans une temporalité stricte. Il faut donc généralement une phase d'apprivoisement entre le livre et le lecteur. Alors, même si le genre sf a tendance à vieillir assez vite en raison des technologies évoquées mais aussi des terminologies qui tombent en désuétude, on peut tout à fait faire fi de ces détails parce qu'un roman écrit demain sera lui aussi obscurci de néologismes spécifiques à son histoire qu'il faudra intégrer, et pourra exposer une technologie paraissant révolutionnaire (qui dans trois ans semblera complètement loufoque).

En mettant son esprit critique de côté, en s'abandonnant au vertige de la lecture, à l'intelligence du texte, aux relations humaines et sociales qu'ils mettent en scène ...

		Citation : mais aussi des terminologies qui tombent en désuétude

Sans parler des traductions qui, en plus d'avoir parfois pris un sacré coup de vieux, n'étaient pas toujours de premier choix.

La SF à Papa est aussi à lire comme le témoignage d'une époque. Lune de miel en enfer de Fredric Brown est le parfait représentant de l'époque de la terreur nucléaire, quand la question n'était pas de savoir si une guerre nucléaire aurait lieu, mais quand elle aurait lieu et accessoirement qui la déclencherait.
Comme une bête et Gare à la bête de Farmer sont le double témoignage de l'influence de la libération sexuelle et de l'abrogation définitive de toutes les mesures racistes de la ségrégation us. Du même, ses Amants étrangers sont un témoignage important sur la mentalité puritaine de l'époque.

On dit que la sf à papa a vieilli, mais je trouve -personnellement- que Neuromancien a beaucoup plus vieilli, car il n'a pas cette intemporalité que peuvent avoir des livres comme les Chroniques martiennes ou dans un tout autre genre Planète à gogos.