En septembre, lectures depuis l'antichambre

Je suis au milieu de Kafka sur le rivage de Murakami, et cela parce que j'ai lu une superbe chronique de Mélanie Fazi au sujet de ce livre.

Stan Lee : Homère du XXe siècle de Jean-Marc Lainé.
Un livre fort intéressant, en ce qu'il scrute tous les aspects du personnage, tant au niveau biographique que des thèmes de son oeuvre. Il a notamment le mérite de faire le point sur les légendes noire et dorée, mais aussi de nous rappeler que ce qui a fait sa réputation s'étale finalement sur une toute petite période.
Un seul petit regret : je trouve que l'auteur ne dresse pas de ponts entre la sf de l'époque (New wave) et les créations vraiment personnelles de Stan Lee, alors qu'il y aurait pas mal à dire dessus.

Je relis 334 de Disch, et ne puis résister au plaisir de citer la recension qu'en fit à l'époque Philippe Curval. C'est un peu long, mais je trouve que l'on a rarement parlé avec une telle justesse d'une oeuvre, dont je vérifie aujourd'hui à quel point elle fut prophétique :

Certes, ce n'est pas un livre facile, il ne se lit pas d'un trait, il se prend, se déprend, se reprend, il intoxique, il s'abandonne, il exaspère, il se lance à travers la pièce, il s'essaye à nouveau, il s'impose. Ce n'est pas une lecture, c'est un combat. Je conseille à ceux que les premières pages ou les premières nouvelles rebuteraient de s'acharner.
[...]
Mais de quel spectacle s'agit-il ? Il se situe dans un monde rongé par la folie, où les cultures se mêlent et se confondent, où les différentes sociétés du vingtième siècle en fin de course se superposent pour former un cloaque absurde. Les individus s'y débattent, étranglés par les lois protectionnistes, rongés par la pollution, ligotés par les contraintes tribales qui ont survécu malgré le prodigieux bouleversement des mœurs. Ces derniers survivants de la civilisation telle que nous la concevons tentent de se libérer en projetant leurs fantasmes sous formes de bulles qui éclatent au soleil de l'indifférence. De ce feu d'artifice libidinal ne restent que quelques cendres où Disch fouille négligemment du bout de son tisonnier.

Peut-on observer sa propre décadence ? Peut-on vérifier si la toute-puissante technologie a définitivement ruiné les utopies pastorales des siècles antérieurs ? Par approches successives de ce petit peuple formé par les lumpens-cadres de l'avenir, par une suite de nouvelles ajustées au propos, où sont minutieusement décrits ces hommes qui se révoltent, ces gens qui sont broyés, ceux qui se débrouillent, ceux qui votent pour, ceux qui creusent les galeries de la terreur dans les bas-fonds d'une société contraignante, Disch tente de décrire les causes et de prouver cette faillite. Ce qu'il y a d'inquiétant, c'est qu'il parvient peu à peu à suggérer que sa thèse pourrait se révéler la bonne.

		lacroute : Il semble y avoir eu préfaces croisées entre Dorémieux et lui concernant leurs LOSF respectifs. C'est du moins, si j'ai bien lu et compris, ce que laisse entendre la préface d'Andrevon alors qu'elle est signée Patrice Duvic

Il semble qu’il y ait eu projet mais que pour une raison ou une autre, Dorémieux a dû y renoncer...
Je trouve ça dommage (bien que j’apprécie Patrice Duvic).

En préfaces croisées au Livre d’or, reste Jeury et Klein…

		BdN : Je suis au milieu de Kafka sur le rivage de Murakami, et cela parce que j'ai lu une superbe chronique de Mélanie Fazi au sujet de ce livre.

Tiens, la dernière fois que je jetai un œil au site de Mélanie Fazi, la présentation n’en avait pas encore été changée …

Je devrais le revisiter plus souvent : je trouve ses impressions sur le fantastique souvent remarquablement senties.

		Olivier : Je relis 334 de Disch

Avec le temps, j’en viens à penser ce recueil comme mon préféré.

Quand j’avais relu quelques-unes de ses nouvelles, il n’y a pas très longtemps, j’en avais été positivement impressionné.

		Olivier : la recension qu'en fit à l'époque Philippe Curval […] je trouve que l'on a rarement parlé avec une telle justesse d'une œuvre

Magnifique critique, en tout cas.



PS : Lucius Shepard estime également beaucoup le chef-d’œuvre de Disch :
"[334] is the best genre short fiction collection ever.
The terrible thing is, so few people are aware of it."

		Citation : Il semble qu’il y ait eu projet mais que pour une raison ou une autre, Dorémieux a dû y renoncer...

Tout comme Andrevon a dû renoncer à un Livre d'or de Daniel Walther (argh !)
Il a néanmoins fait la couv de cet excellent recueil.

		Citation : Avec le temps, j’en viens à penser ce recueil comme mon préféré. Quand j’avais relu quelques-unes de ses nouvelles, il n’y a pas très longtemps, j’en avais été positivement impressionné.

Je trouve effectivement que Disch est aussi un nouvelliste impressionnant, certainement l'un des meilleurs de la New wave (autant j'adore Delany, autant ses nouvelles, bon bah...). Mais effectivement, 334 a un ton assez particulier, qui en fait pour moi l'exemple même de la speculative fiction.
C'est sans doute le génie de 334 : sans donner de dates précises, il a parfaitement saisi ce que serait l'avenir.

Encore un qui moisit dans ma PàL depuis une éternité et que je devrais vraiment lire...

		Jim : J’ai lu la nouvelle de Catherine Dufour qui vient de paraître dans Le Monde diplomatique, L’ennemi est en moi : une nouvelle sur la réalité augmentée, qui aborde par le biais de la SF un motif classique du fantastique (le fantôme). Le postulat m’a plu mais le traitement ne m’a pas convaincu (à la décharge de l’auteur, je pense le format du texte, à peu une page de journal, délicat à appréhender...)

Je viens de lire la nouvelle car elle a été retranscrite par Renaud sur notre blog. Elle me plaît beaucoup, le cadre de l'école, un thème classique du Fantastique, et un élément science-fictif qui sera bientôt une réalité. Quand à la construction de la nouvelle avec des rapports et des interview intercalés, je la trouve vachement bien fichue et en adéquation avec son support.

Jim

		Citation : En préfaces croisées au Livre d’or, reste Jeury et Klein…

Pas franchement étonnante cette amitié réciproque quand il y a peu, Klein accueilla avec enthousiasme (trop peut-être) le retour de Jeury à la SF avec "May le Monde"..!

		BdN : la nouvelle [L'ennemi est en moi] a été retranscrite par Renaud sur notre blog.

Quand j'aurai un peu plus de temps, j'irai y préciser mes réticences envers ce texte.

		lacroute : il y a peu, Klein accueilla avec enthousiasme (trop peut-être) le retour de Jeury à la SF avec "May le Monde"..!

À l'époque de la sortie de ce roman, j'étais étonné par le peu de buzz généré (ou alors je ne regardais pas dans les bonnes directions...)
Critiques dithyrambiques et flopée de prix sont venues ensuite, mais je m'attendais à plus de bruit, en amont, pour saluer cet événement.

Concernant "May le Monde", marrant, j'ai eu l'impression inverse. Même si sur CSF nous n'en parlions que peu, ailleurs le buzz existait en portions congrues mais palpables, involontaire ou pas. Ou était-ce alors de l'impatience fanique (c'était, enfin, le grand retour de Jeury à la SF)..? J'ai bénéficié par exemple d'enthousiasme fébrile d'un SP en échange d'une chronique sur un site qui n'est pas le notre. J'ai, par contre, shunté l'aval après parution du bouquin, ayant été déçu par le roman..! Probablement trop d'attentes insatisfaites..! C'est le genre de bouquin avec lequel on embraye en douceur sur une lecture enthousiaste ou un roman difficile à pénétrer, hermétique et piègeux..! C'est selon; en somme quitte ou double..!
Ce qui n'enlève rien à l’intérêt que je peux porter à l'auteur..!

Fini planète a louer de Yoss .
Et bien même si beaucoup de choses ont réveillé des réminiscences d'autres lectures , je trouve que le bouquin se tient très bien!