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kgb203

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Les Chronolithes

Robert Charles Wilson


Les Chronolithes
Traduction : Gilles Goullet
Illustration : Manchu
Titre original : The Chronoliths
Première parution : 2001

 Pour la présente édition :

Editeur : Denoël
Collection : Lunes d'encre
Date de parution : avril 2003
ISBN : 2-207-25316-3

Ce livre est noté   (4/5 pour 1 évaluations)


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«En le voyant, on songeait aussitôt aux monuments publics de la Russie stalinienne comme la Victoire ailée à Leningrad. Ou bien au Colosse de Rhodes, jambes écartées au-dessus du port. A ces structures intimidantes par leur taille démesurée mais aussi par l'extrême froideur de leur style. Ce n'était pas une image mais un schéma d'être humain, jusqu'au visage arrangé pour évoquer une espèce de perfection eurasienne hors de portée du monde réel. Des croûtes de glace restaient accrochées aux dômes des yeux, aux crevasses des narines. Malgré son apparence masculine, la silhouette pouvait être celle de n'importe qui. Du moins, de n'importe qui doté à la fois d'une confiance infinie et d'un pouvoir absolu.»

C'est par une anonyme nuit d'été de 2021 qu'avait surgi près de Chumphon, en Thaïlande, le premier de ces objets que l'on nommerait bientôt «Chronolithes». Une apparition dévastatrice, qui réduisit à néant plusieurs hectares de jungle, créant une improbable clairière au milieu de laquelle s'était soudain dressé un gigantesque obélisque d'un bleu glacé et sans faille. A la base de celui-ci, une inscription, une épigraphe au sens cristallin, célébrant et commémorant le triomphe du grand Kuin sur la résistance sud asiatique. Une écrasante victoire qui aurait lieu très exactement vingt ans plus tard...

L'événement eût pu en rester au stade de l'improbable anecdote, à celui de vague curiosité scientifique bientôt oubliée du grand public, si Bangkok n'avait été quelques mois plus tard purement et simplement rayée de la carte à la faveur d'un nouveau monolithe, à l'effigie cette fois de Kuin lui-même. Et les catastrophes dès lors de se succéder : Pyongyang, Hô Chi Minh-Ville, Macao, Sapporo, ou même encore Jérusalem disparaissent bientôt à leur tour au profit de ces stèles indestructibles qui semblent marquer l'une après l'autre, deux décennies avant les faits, l'inexorable avancée des troupes du futur grand stratège successeur d'Alexandre et de Napoléon, marquant victoire après victoire, délimitant bientôt un empire titanesque et tentaculaire telle une pieuvre étouffant petit à petit l'ancien monde, oeuvre impossible d'un général encore inconnu. Car qui donc est Kuin ? Quelle est donc cette technologie lui permettant d'imprimer ainsi une marque indélébile dans le passé ? Et comment endiguer l'impérieuse attraction qu'exerce ce futur père du peuple sur les traîtres factions kuinistes dont les rangs vont sans cesse grossissants et qui déjà mènent une guerre larvée au nom d'un inconnu, achevant de saper le moral même des pays encore épargnés par les nouveaux signes du temps ?

Autant de questions et d'interrogations dans le tourbillon desquelles vont se laisser emporter Scott Warden, qui assistât malgré lui à l'avènement de Chumphon, et Sulamith Chopra à la tête de son équipe de physiciens. En tentant de saisir ce qui se trame derrière l'étrange ballet des coïncidences, en tentant de comprendre cette technologie sans nulle autre pareille. A moins que, précisément, ils ne soient à leur insu des pièces maîtresses de l'écheveau temporel...

«Il semble maintenant évident que c'était justement parce qu'on ignorait qui était Kuin que cela le rendait dangereux. Son programme se réduisait à la conquête, son idéologie à la victoire ultime. En ne promettant rien, il promettait tout. Tous les démunis, les privés du droit de vote ou simplement les malheureux étaient tentés de s'identifier à lui. Kuin, celui qui aplanirait les montagnes et transformerait les vallées en hauteurs. Celui qui parlerait en leur nom, puisque personne d'autre ne le faisait.»

Objet d'une nomination pour le millésime 2003 du prix Hugo, «Les Chronolites» constitue un roman riche, complexe, et abouti que signe un auteur canadien pourtant encore récemment peu connu en France. Bien qu'aujourd'hui rebattu, le thème du voyage dans le temps est ici traité avec beaucoup d'originalité et de subtilité, et la matérialisation transtemporelle de monolithes à la gloire d'un despote encore inconnu inspire, à travers la plume de Robert Charles

Wilson

, un sentiment de réalisme que souligne la pertinence des interrogations soulevées : dans quelle mesure en effet la perception comme inéluctable d'un futur et donc hypothétique événement aide-t-elle celui-ci à véritablement se réaliser ? Kuin, en s'annonçant de la sorte, en frappant brutalement les esprits, en provoquant un tel raz-de-marée psychologique, ne rend-il tout simplement pas ses futures victoires possibles ? La lutte semble somme toute bien dérisoire si l'Histoire est déjà écrite, tout comme l'ultra militarisation préventive de l'Amérique du nord que les augures marquent déjà du sceau de la futilité. Car Robert Charles

Wilson

n'oublie pas non plus que les périodes troubles de l'Histoire, ces périodes charnières sujettes aux grands bouleversements, au cours desquelles repères et valeurs vacillent ou se dissolvent, constituent un terreau fertile, propice à l'émergence de figures emblématiques et opportunistes appelées à devenir des personnages clef de l'Histoire. Kuin, figure réelle ou fantasme collectif, se présente ainsi comme l'unique échappatoire, le seul élément stable auquel se raccrocher dans un monde au bord du gouffre, théâtre des premiers grands changements climatiques, dans lequel l'épuisement des nappes phréatiques et aquifères provoque de gigantesques exodes, dans lequel le marasme économique signe l'apparition d'immenses bidonvilles en périphérie des agglomérations urbaines. Un monde si terriblement proche du nôtre qu'il en est terrifiant, un monde dans lequel l'avènement des Chronolithes est l'objet de singuliers pèlerinages...

Cet intéressant et périlleux jonglage avec l'ordre des choses et le cours autrefois linéaire de l'Histoire, exercice que l'auteur réussit avec brio, ne doit cependant pas occulter l'art avec lequel ce dernier donne consistance aux personnages. Le roman, écrit à la première personne du singulier, prend en effet très vite la forme des mémoires de Scott Warden, celles d'un vieil homme au crépuscule de la vie revenant avec émotion sur une période qui marqua l'aube réelle du XXIème siècle et infléchit avec force le cours d'une vie marquée au fer rouge, dès le premier jour, par les évènements de Chumphon. Le roman est ainsi jalonné par les nombreuses introspections du narrateur, et c'est par ses propres yeux que nous suivons le cours du récit, celui finalement de sa propre histoire, celui du jeu des troublantes coïncidences qui parsèment les flots tumultueux de l'existence. Une déconcertante mécanique des fluides soumise en apparence à la théorie du chaos. En apparence seulement. Là encore, l'auteur pose les bonnes questions, laissant au lecteur le soin d'y apporter, peut-être, une réponse… Que l'on ne s'y trompe pas, Robert Charles

Wilson

nous livre avec «Les Chronolithes» un roman d'une profonde humanité, brillant et riche. Sublime.




Scott Warden était là à Chumphon, Thaïlande, quand le premier chronolithe est apparu : un obélisque de plus de cent mètres de haut, d'un bleu impossible, gelant un paysage de jungle dévasté ; un monument commémorant une victoire, celle du seigneur de la guerre Kuin, victoire qui n'aura lieu que dans vingt ans et trois mois. Mais qui est Kuin ? Un tyran, le sauveur d'une humanité à la dérive, un extraterrestre aux traits indubitablement asiatiques, un futur dirigeant chinois, une rumeur qui, grâce à la turbulence Tau, deviendra réalité ? Et que sont réellement ces chronolithes qui ravagent le monde ? C'est à toutes ces questions que Scott et son ancien professeur de physique, Sulamith Chopra, devront répondre, non sans avoir à parcourir le globe, de Chumphon à Jérusalem, du Mexique au Wyoming.





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