Postface de Richard
MATHESON
Réédition en poche et en un volume chez J'ai lu.
Publié initialement en deux volumes par le regretté Jacques CHAMBON dans la collection Imagine, c'est donc avec bonheur que toute personne de goût accueille l'arrivée en poche et un volume de ce best-of de Richard Christian
MATHESON
, digne fils de son père.S'il est inutile de présenter le père, il faut tout de même dire au moins un mot sur le fils : son père fait part d'un immense enthousiasme : ''Ses concepts n'appartiennent qu'à lui. Son oeuvre n'emprunte à personne, n'imite personne.''
Quand on lit cette postface, on se rend vraiment compte à quel point Richard peut être vraiment fier de Richard Christian. Car force est de dire que si le talent n'est pas atavique, il peut arriver qu'un fils écrivain ne fasse pas rougir son père. Loin d'imiter son père, même si comme chez lui le fantastique domine, le fils semble être plus en face avec son époque, comme son père le fut avec la sienne : sexualité crue, violence, trash, snuff movie, rien ne nous est épargné. Bien heureusement, le recueil ne se limite pas à cela, loin de là même. Il suffit de lire la novella ''Whatever'', cette magnifique biographie imaginaire d'un groupe de rock phare des années 60 et déclinant au cours de la décennie suivante, pour se rendre compte à quel point Richard Christian est doué pour nous restituer l'époque mythique du sex and drugs and rock'n'roll et de tous ses excès.
Dès la première nouvelle, ''Photos souvenirs'', le ton est donné : à texte court, chute radicale. Imaginez en effet un de ces snacks comme on en compte des centaines de milliers aux USA, avec ses tartes au citron et ses muffins sous une cloche de plastique, où un jeune homme subit la conversation de deux vieilles femmes autour de photos souvenirs. Des grands-mères qui se racontent des souvenirs ? Certes, mais pas ceux que l'on croit : la chute sera rude, très rude !
Ou bien cette femme qui vit une aventure extra-conjugale qui lui la transformera radicalement (''Stimulations'') : FARMER aurait-il seulement osé ?
Et que feriez-vous si, comme ''L'homme qui hurlait'' vous entendiez des hurlements atroces d'hommes, de femmes et d'enfants à l'intérieur de votre propre corps ? Seriez-vous aussi optimiste que le malheureux personnage de ''S'il vous plaît, aidez-moi'', qui reste une histoire absolument terrifiante, par le contraste entre le personnage et sa délicate situation.
Capable aussi de formidables expérimentations au talent insolent, comme ''Vampire'', où chaque phrase n'est qu'un seul mot, et vous narre une histoire à vous glacer le sang, ou encore dans ''Pense-bête'', où en plus des M&M's, du sprite ou des cartes de rigueur pour une randonnée, il ajoute ce qu'il faut pour passer un moment idéal avec votre belle-mère acariâtre : effet garanti !
L'art n'est pas non plus oublié, avec le superbe ''Vous peignez ?'', où vous aurez l'occasion de peindre le chef-d'oeuvre de votre vie avec la merveilleuse peinture que vous a vendu ce charmant marchand de si bon conseil, à moins que...
Et que cherche l'homme dans ce terrible texte qu'est ''Rouge'' : certainement la pire des choses que l'on puisse trouver. Salué comme un chef-d'oeuvre par Richard
MATHESON
lui-même, c'est vous dire ! A moins que dans ''Vacances'' vous ne rencontriez le Père Noël, ou du moins ce vieil excentrique qui se présente comme tel. Ou encore cet homme en voyage de noce avec sa femme, cet ''Enfant d'eau'' : pourquoi prend-elle un bain de minuit... seule, alors que c'est tellement mieux à deux, comme l'amour ? Et que diriez-vous de vacances à Hawaï : c'est ce que pensait la pitoyable famille de ''Barking Sands''.Mais là où le génie de l'auteur éclate avec le plus de magnificence, c'est certainement dans des textes poignants de mélancolie, du genre à vous émouvoir un régiment de légionnaires, comme ce superbe hommage au grandiose Peter SELLERS (''D'autres vous-mêmes en Amérique''), mais surtout dans une de ses rares incursions dans la sf, avec le superbe, magnifique et émouvant ''Obsolète''.
La satire aussi n'est pas oubliée, quand toute votre vie se met à partir en vrille, comme votre superbe système de sécurité inviolable, même un peu trop diront ses détracteurs : la preuve ? Lisez donc ''Intrus'' et vous verrez que vous ne le regretterez pas. Et trouverez-vous, à l'instar de ce jeune avocat dynamique, ce brillant self-made man aux dents très longues qui rayent tous les parquets des tribunaux, cet excellent coureur, le ''Troisième souffle'' qui vous assurera votre pérennité via celle du rêve américain ? Brillante satire de l'ambition des yuppies reaganien, ce texte est impitoyable et cruel, et donc parfaitement réussi.
Résumons donc : short-shorts stories, nouvelles, novella, satire, humour noir, émotion, horreur à vous glacer les sangs, noirceur, fantastique, nostalgie, science-fiction, fantastique, angoisse, mélancolie, rock'n'roll...
Des textes extraits des meilleurs revues, ou publiés par les meilleurs anthologistes (qui figurent aussi au premier rang des plus remarquables plumes du genre), comme Robert BLOCH, Dennis ETCHISON ou Charles Lewis GRANT, et cerise sur le gâteau, un magnifique texte écrit à 4 mains par le père et son fils prodigieux, le magnifique et angoissant à souhait ''Quand on veut'', inédit dans l'édition définitive des nouvelles de Richard