Chronologie éditoriale, car il n'y a aucun lien direct entre ces deux livres. Les liens se feront dans les volumes ultérieurs du "Rêve du démiurge" (postfaces des deux romans cités).
Les frères Algeiba
Nous retrouvons ici un personnage à peine évoqué auparavant, Maxime Algeiba. Il fut surtout évoqué comme étant le frère d'Ivan, l'un des personnages principaux du "Jeu du cormoran", membres tous deux de ce fameux cirque que nous avons vu dans "Le jongleur interrompu".
Comme son frère Ivan, Maxime a quitté le cirque familial, mais pour des raisons beaucoup moins douloureuses. Il s'est reconverti dans le cabaret, où ses talents de contorsionniste font merveille. A tel point qu'on lui propose de venir monter un spectacle au mythique Hadès Palace, dirigé par Bran Hadès. Hadès palace, c'est le rêve de tout artiste de l'époque. Lieu prestigieux, le public se compose essentiellement des sybarites de l'élite sociale. Ravi de cette opportunité qui s'ouvre à lui, tandis que le cabaret où il se produit périclite, Maxime n'a donc aucune hésitation.
Y-aurait-il quelque chose de pourri au Palace de Bran Hadès ?
Le voici donc dans ce fameux palace, au milieu d'un immense parc en pleine campagne. Après une visite médicale de rigueur, où on lui fait une étrange piqûre, il commence à se familiariser avec les lieux et le public. Mais il se rend surtout compte que tout ne tourne pas rond. Certes, on attend beaucoup des artistes, mais pourquoi trouve-t-on des vigiles armés patrouillant en permanence dans le Palace ? Et quel est ce deuxième cercle, où l'on envoie en rééducation et en perfectionnement les artistes dont les performances ne satisfont plus le public ? Mais surtout, où passent les artistes qui ne reviennent pas du deuxième cercle ?
Ce luxueux lieu de divertissements raffinés ne serait-il pas un piège totalitaire dont les sinistres mâchoires viennent de se refermer sur Maxime ? Et que lui veut le mystérieux Rhad Matteo ? Mais surtout, qui est Bran Hadès, dont on lui a injecté le sang ?
Enfers chrétien et païen ?
La construction du livre rappelle "La divine comédie" de DANTE, puisqu'on y retrouve 3 lieux différents, qui rappellent un peu le Paradis, le Purgatoire et l'Enfer de "La divine comédie". A l'intérieur des 3 cercles de Francis BERTEHLOT, on trouve 9 chapitres, comme les 9 cercles de l'enfer dantesque. La présence d'un poète, Lon Orfelt chez
BERTHELOT
, fait aussi penser à VIRGILE guidant DANTE dans sa visite (la prégnance dantesque du chiffre 3 se retrouve donc chezBERTHELOT
).Mais au-delà de DANTE et du christianisme,
BERTHELOT
évoque aussi l'Enfer païen, avec Bran Hadès, dont le nom est celui le dieu grec des Enfers ( et Pluton chez les Romains), gardien sourcilleux de son antre dont, à l'instar de Bran Hadès et de ses miliciens, il veille à ce que personne ne s'en échappe. Ici encore, le fantastique et sa noirceur ne font pas une irruption tonitruante et rapide,BERTHELOT
opte plutôt pour une irruption lancinante et progressive. En effet Maxime, par ses découvertes, fait tomber un à un les masques de la normalité et de la respectabilité du lieu, de Bran Hadès, de son personnel non-artistique et de ses clients.Toujours plus fantastique et plus noir
Fantastique et noir comme peut l'être l'âme humaine, ce sixième roman du "Rêve du démiurge" confirme plusieurs choses. Tout d'abord, l'ancrage toujours plus profond du cycle dans les territoires de l'imaginaire. Mais aussi quelque chose que nous répétons sans cesse, à savoir que non seulement Francis
BERTHELOT
est un auteur incontournable de l'imaginaire contemporain, mais surtout que "Le rêve du démiurge" est une œuvre majeure, subtile et envoûtante, et pour tout dire remarquable, à l'image de "Hadès Palace".Avec son dixième roman, Francis
BERTHELOT
signe donc l'une des œuvres majeures de 2005.."Le rêve du démiurge" apparaît donc comme une œuvre majeure et incontournable, dont on ne peut qu'attendre avec hâte et envie le prochain roman.
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Peut-on lire "Hadès palace" sans avoir lu les 5 autres tomes parus du "Rêve du démiurge" ?
La réponse n'est pas non, mais plutôt oui mais.
Si on peut le lire de façon autonome, c'est néanmoins passer à coté des tenants, et donc des aboutissants du cycle. Il est vrai que le lien avec les romans précédents est plus ténu que pour "Mélusath" ou "Le jeu du cormoran". En revanche, comme pour "Nuit de colère", ce roman s'inscrit plutôt dans les aboutissants futur du cycle, car la postface nous indique que l'on va y recroiser bon nombre de personnages. Ajoutée à celle de "Nuit de colère", qui reprend d'autres personnages des romans précédents, elle permet d'entrevoir les futurs tomes, qui feront appel à tous les romans du cycle.
Il est donc possible de le lire de façon isolée, voire comme un aperçu du cycle, mais avec plusieurs bémols.
-Premier bémol : Ce livre, par son ancrage fantastique plus prononcé que ses prédécesseurs, n'est pas représentatif du cycle. Ne comptez donc pas sur lui pour vous faire une idée générale du cycle (ni sur aucun autre : aucun moment pris isolément n'est représentatif d'un crescendo).
-Deuxième bémol : Il s'inscrit dans une continuité. Entre le vécu passé des personnages du roman, et les allusions de ces derniers à d'autres personnages du cycle (on pense bien sûr à Constantin), vous allez être pénalisé dans votre lecture. Cela ne vous empêchera pas de comprendre le livre, mais aussi mineur que soit le préjudice, il n'en existe pas moins.
-Troisième bémol : Comme je l'ai dit, la postface annonce les futures pérégrinations des personnages de "Hadès palace" dans les volumes à venir. Ils y croiseront des personnages des autres romans (dixit aussi la postface de "Nuit de colère"). Vous allez encore une fois être pénalisés, du fait de n'avoir pas lu les précédents romans.
-Quatrième et dernier bémol : Ne pas lire tout le cycle, tel qu'il fut pensé et écrit, c'est se priver d'une grande œuvre, où chaque roman a une place précise, et perd donc à être lu isolément.
S'il faut bien sûr lire ce livre, parce qu'il est excellent, il n'en faut pas moins lire tout "Le rêve du démiurge", cycle dont "Hadès palace" est le sixième et avant-avant dernier roman.