Piégeux dès le début, ainsi se présente ce roman, que je serais bien en peine de classer autrement qu'en catégorie OLNI. Enfin, disons SF, puisqu'on ne sait vraiment pas où le mettre ailleurs...
Si je devais le résumer en 2 mots, je dirais qu'il décrit une psychothérapie (personnelle et de groupe) pas si mal réussie, mais j'ai un peu peur, ce disant, de faire fuir ceux d'entre vous qui auraient vaillamment résisté jusqu'à maintenant. Et pourtant qu'en dire d'autre ?
comment ne pas tomber quand c'est à l'intérieur que l'on tombe, comment ne pas perdre conscience quand le sourire des ténèbres est tellement beau ?
Il nous faut une arme [...]puissante. Un spectacle qui montre aux gens comment théâtraliser leurs fantasmes, de manière à ne plus leur donner prise.
Ca pourrait aussi décrire une désintoxication. Par certains aspects, ce roman m'évoque Les chevaliers de la Table Ronde, de Jean Cocteau, pièce à la fin de laquelle un personnage dit
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Peut-être que c'est une pépinière. En tout cas, j'y trouve préfigurées les oeuvres ultérieures de l'auteur, et notamment les romans du cycle Le rêve du démiurge : ce "bleu" inquiétant, mortel, qui imprègne Le jeu du cormoran, cette "glaciation" (ici décrite comme une cristallisation) que l'on trouve à la fin de Nuit de colère... Mais aussi, chacun se délite, puis se transmute ou meurt à sa façon toute personnelle, comme dans Rivage des intouchables... On retrouve, comme très souvent dans les romans de
Berthelot
, l'alliance de l'artiste physiquement fragile et du bandit baraqué et ambivalent, la mère dévorante ou impuissante (dans ce roman représentées toutes deux, par Setha et Irène Kereg, la fausse et la vraie mère de Sonia Setha vaut cent propagateurs à elle seule. C'est l'essence même du Cloaque, une de ses pires incarnations.), le père pour le moins ambivalent, et qui de toute façon ne peut rien pour ses propres fils : l'Archonte de Krizkern préfigure le psychanalyste de Nuit de colère.Bon pour ceux qui ne sont pas encore fans de l'auteur, ça n'aidera pas beaucoup... A ceux-là, je dirai que ce n'est sans doute pas le roman le plus abordable de l'auteur, et qu'il serait sans doute plus facile de commencer par Rivage des Intouchables. Si vous insistez, je dirai quand même que, malgré tout ce que je viens de dire, et contre l'avis d'Olivier lui-même, je considère que ce roman est un chef-d'oeuvre absolu, de style et d'originalité.
Au premier abord, Krizkern apparaît come une station balnéaire tranquille[...]. Pourtant son étrangeté ne tarde guère à se trahir. L'architecture autant que les modes de vie y sont essentiellement régis par trois principes : diversité, solitude, métamorphose. [...]. Elle distille des faubourgs contradictoires à travers le relief de la péninsule. Les recenseurs locaux estiment la population à trente mille habitants. Mais un tel chiffre ne veut pas dire grand-chose, car le Cloaque dédouble les uns, décime les autres, et l'immigration se poursuit au goutte à goutte.