"Killeen parcourait les ruines immenses.
Epuisé, il progressait au milieu d’un enchevêtrement de poutrelles brisées, de plafonds effondrés, de gravats, de pierres et de meubles fracassés.
La respiration sifflante, il criait le nom de son père : « Abraham ! »
Le nom fut emporté par le murmure glacial du vent. De feux crépitants s’échappaient des bouillonnements de fumée qui ruisselaient autour de lui et donnaient à l’air une apparence liquide, instable..."
L’histoire :
Killeen fait partie de la Famille LeFou, une tribu composée des survivants dont le seul but est de courir pour survivre...
Fuir, toujours fuir, la Famille doit sans cesse fuir les mécas, ces machines venues d'outre-espace, venues s'installer sur leur planète, et la coloniser en .. exterminant tous les humains vivants et en terraformant ce monde pour leur expansion inexorbale de la galaxie, voire de l'univers. Une légende prétend que leur salut résiderait dans un vaisseau stellaire Argo qui leur permettrait de quitter cet enfer pour les hommes...
La grande rivière du ciel est le troisième volet du cycle du centre galactique commencé avec dans l'océan de la nuit, puis à travers la mer des soleils, et finissant avec Marées de lumière, puis les profondeurs furieuses.
L'humanité en péril.
Benford
a vraiment le don de décrire les maux de l'humanité avec justesse, comme dans ses précédents romans. Ici, la situation est désespérée : l'homme est envahi, chassé comme des insectes nuisibles. Et au milieu de ces groupes reformés en Familles, renaît un espoir, d'après une légende. Et ce brin d'espoir suffit à tous ces gens pour garder une certaine cohérence. Ici, l'espoir fait survivre. Cet embryon d'humanité est un groupe soudé pour le meilleur et pour le pire.Benford
décrit cette détresse inéluctable dans cette fresque grandiose, un road movie, sauf qu'il n'y a plus de route, qu'il ny a plus que le chaos.Les hommes contre les mécas.
Comme toujours, les machines sont décrites dans leur froideur absolue, leur implacable volonté pour éradiquer toute forme de vie, dont font partie les hommes. Mais
Benford
ajoute une intelligence, une tactique d'éradication hors du commun : les machines sont malines, rusées. Pour témoin cette Mante, capable de tendre des pièges, d'imaginer des stratégies en comptant sur la psychologie des hommes. De plus, cette "société" est stratifiée, avec une pyramide de tâches bien définie. Il existe même des Renégats, mécas en marge de la société.L'évolution.
Les hommes ne sont pas démunis : exosquelettes ingénieux pour décupler leurs mouvements, parfois utilisés à l'extrême pour faire des humains totalement dépendants de cette carcasse. Ce sont les nouveaux humains.
Une interface avec les ancêtres (les Aspects de sa personnalité), mémoire morte accessible, mais dont la personnalité peut rapidement submerger le porteur, et qui rappelle les personnae du cycle d'Eon de Bear.
Benford
a poussé le détail jusqu'à faire évolué le langage des hommes, car en période de crise, il faut que l'information passe vite, très vite.Malheureusement, les mécas évoluent eux aussi très vite...
Bref, ce livre m'a vraiment marqué et reste pour moi, le summum du combat entre les hommes et les machines, avec des personnages tres humains, faillibles mais plein d'espoir.
Extraits :
"Il vit dans son oeil droit fuser des étincelles orangées. Cela signifiait que quelque chose cherchait à s'introduire en lui. Mais à une telle vitesse, une vitesse comme il n'en avait jamais vu.
Une tache rouge, glaciale et fourmillante, le traversa en ricochant dans une longue plainte stridente.
Killeen piqua vers le sol.
"Fanny ! ça va ?"
- Je ...ohhh...peux pas...
"Ce truc - mais qu'est ce que c'est ?"
- Je n'...pas vu..des années -
"Mais qu'est ce qu'on va faire ?"
Ledroff tenta de s'immiscer sur la ligne comm en cône étroit. Killeen jura et lui coupa l'accès.
- Peux pas...croire...ce que tu ... vois -
"Qu'est ce que -"
Elle s'étrangla. Sa ligne redevint silencieuse."
"Ledroff acquiesça.
"Quoidire de le punir ?"
La Famille n'eut pas une seconde d'hésitation.
"Trois pleinsacs!"
"Nondire, quatre!"
"Mon thermopac!"
"Et le mien aussi!"
"Qu'il porte mon médipac!"
"Plus les réservoirs."
"Tous les réservoirs."
"Ouidire. Il a dormi...eh bien, qu'il travaille, maintenant.""