« Printemps 1998.
John Renfrew, morose, se dit : n’oublie pas de sourire le plus souvent possible. Les gens avaient l’air d’aimer ça. Et jamais ils ne se demandaient pourquoi vous souriiez, quel que fut le ton de la conversation. Il supposait que c’était considéré plutôt comme une marque de bonne volonté, un de ces trucs de société qu’il ne réussirait jamais vraiment à maîtriser… »
L’histoire :
1998. Le monde agonise, une algue mutante dont l’origine est la pollution humaine, est en train de s’étendre à une vitesse exponentielle. La communauté et les fonds scientifiques sont monopolisés par cette menace terrifiante, pendant que dans un laboratoire de Cambridge deux chercheurs ont mis au point un moyen de communiquer avec le passé, par le biais de tachyons, découverts physiquement depuis peu, des particules voyageant à des vitesses subluminiques (quasi instantanées). Ils attendent les fonds pour mettre en garde le passé face à la diatomée galopante.
1963. Un chercheur et son étudiant ont des parasites, un bruit de fonds organisé, dans leur expérience de résonance magnétique…
Le temps en question.
Après avoir abordé le sujet du voyage dans le temps de manière assez romancée dans les ouvrages de Barjavel (le voyageur imprudent), de Wells (la machine à explorer le temps), de Anderson (la patrouille du temps) et d’une certaine manière avec Powers (les voies d’Anubis), voici donc une autre version de ce fameux voyage dans le temps.
Les autres auteurs ont abordé le problème du petit fils tuant son grand père comme la boucle paradoxale insoluble : le petit fils tue le grand père, donc le grand père n’existe pas, donc le petit fils n’existe pas et ne peut pas tuer le grand père, donc le grand père est vivant, donc le petit fils est vivant etc.
Ici,
Benford
nous raconte une histoire plus scientifique, plus étayée par des théories mathématiques.En effet, le tachyon est dans la théorie depuis le début des années 60 et il entre dans la théorie des cordes et mécanique quantique (voir l’article de vulgarisation http://depire.free.fr/publique/THC/ et particulièrement la page http://depire.free.fr/publique/THC/Cordes17.html )
Sa principale caractéristique est qu’il est de masse nulle et donc que sa vitesse est supérieure à la vitesse de la lumière.
Cela étant posé,
Benford
nous explique qu’il serait dès lors possible de remonter le temps (car aller plus vite que la lumière), les tachyons se propageraient dans le temps passé et futur.Néanmoins, les événements déjà apparus ne peuvent être modifiés. Ce qui est fait est déjà révolu. C’est pourquoi un changement majeur ne peut intervenir pour modifier notre présent. D’où la notion étrange qu’est notre présent.
Un changement majeur dans notre passé ne peut aboutir qu’à un autre présent, en quelques sorte un univers parallèle où les événements du passé ont été changés. Notre présent est donc immuable, il s’agirait donc que l’embranchement où s’est faite la cassure aura détourné notre passé vers un autre possible.
L’univers universitaire.
Benford
nous décrit (une expérience passé ?) les différentes trames qui peuvent se tisser dans les universités, les luttes d’influence entre un chercheur et son chef de département, les relations entre collègues, les coups bas, la vie d’un chercheur partagé entre sa vie professionnelle et sa vie familiale. Ici, encore,Benford
arrive à traduire sur la papier les angoisses, les interrogations d’un homme entre sa volonté d’accrocher un prix Nobel, et son avenir au sein de sa famille.Benford
ne néglige pas ses personnages, qui sont d’une profondeur telle qu’on se plait à s’y identifier, tout comme dans son cycle du centre galactique. De même, il aime comparer les cultures américaines et anglaises.Encore une fois,
Benford
nous conte un roman ambitieux, scientifique et psychologique, récompensé par un Nébula.Benford
est, dans mon panthéon personnel, un des meilleur auteurs de SF. Magnifique roman.Extraits :
« Les tachyons suscitaient une onde de probabilité qui allait et venait dans le Temps. Les équations montraient comment cette fonction ondulatoire se déplaçait vers le futur, puis vers le passé, pareille à un banlieusard égaré. Si l’on créait un paradoxe, cela signifiait que l’onde n’avait pas de fin mais qu’elle formait au contraire un réseau d’ondes stationnaire, comme les rides de l’océan autour d’une jetée. La seule façon de résoudre le paradoxe était d’intervenir, de briser le dessin des rides comme un bateau qui laisser derrière lui un sillage. »