" Dans le long couloir sombre du tunnel, Stinky court, essaie d’échapper à sa mort. Lui qui adorait jouer dans les grandes décharges en periphérie de la Capitale, quand il n’était encore qu’un gamin. Le surnom lui est resté.
Il aura eu pourtant une enfance heureuse, entre une mère tendre et un père toujours attentif. Il s’est mis à détester les enfants en prenant de l’âge, c’est tout. Maintenant, il fuit ; il sait aussi qu’il va tomber à une quarantaine de mètres seulement des premières lueurs de la vieille station désaffectée. La phrase qu’il pensait ne jamais entendre retentit, claire, multipliée par l’écho des parois : " Arrêtez ! Vous êtes l’objet d’un retrait simple ! " Et le pire, c’est qu’il ne regrette rien… "
L’histoire :
Le monde dégénère. Europe, Afrique, le monde dégénère.Afrique. Dunkey travaille, ou plutôt, a échoué dans cette réserve animale du Botwen, où vivent également trois autres hommes, si on peut appeler ça des hommes : Bongo, un africain pure souche, qui ne se lave jamais et qui pue à des kilomètres, Lhar, un allemand qui se saoule du matin au soir, et Kool qui visiblement profite des jeunes africaines pour soulager sa libido. Quatre hommes pour surveiller les braconniers et soigner les animaux de la réserve. Quatre déchets qui vont faire la rencontre la lumière des morts, la lueur bleutée qui apporte la mort implacable…
Ambiance de mort.
Deux parties Afrique et Europe, deux endroits a priori qui n’ont rien à voir, et pourtant sont intimement liés par la même puanteur, la même dégénérescence, la même sentence de mort. Ici, ailleurs, la mort est la même, atroce. Que ce soit par les shooters ou par une force mystique, la sanction est la même, la couleur est la même.
Di Rollo
nous décrit un monde où rien ne va pour le mieux, un monde noir, si noir et l’atmosphère étouffante que l’on peut ressentir dans la savane rejoint les bas quartiers des villes d’Europe. L’atmosphère et vraiment magnifiquement décrite.Un style choc.
Ce qui m’a frappé dès les premières pages, dès le prologue, est cette écriture noire, violente, nauséeuse, ces mots comme crachés à la figure, écrasés sur le papier, que je n’avais pas lu depuis un bout de temps, et qui en font une accroche incroyable. Ces mots scotchent le lecteur, le choquent, le séduisent par sa noirceur.
Les personnages, eux sont torturés, écorchés et on se prend au jeu. Malgré leurs actes barbares, on en arrive à comprendre pourquoi ils agissent ainsi… et on approuve presque.
Deux personnages: un homme, une femme, dont le récit est à la première personne et au présent, ce qui donne au roman sa force.
J’ai aussi beaucoup aimé cette coupure, cette rupture brutale entre deux parties qui a priori n’ont aucun rapport et qui, à la fin du bouquin, se raccordent inexorablement pour former le tout. L’approche est vraiment bien écrite.
Un petit bémol qui n’engage que moi, et qui, au bout du compte n’est pas un défaut, est que ce roman est vraiment trop court !
Enfin une œuvre qui sort des sentiers battus. Très fort !
Extraits :
" Bongo.
Lui, il corse la difficulté au-delà de l’absurde. Cette engeance de garde assermenté dégage autant qu’une porcherie ; c’est du moins le souvenir que j’en ai, quelque part au fond de mon crâne. Je vois ma tonne de glaçon, bien suspendue, et elle pue aussi. Bongo ne se lave jamais. Il dit que c’est plus sûr, que les virus crèvent les uns après les autres s’ils se posent sur son corps noir. Mais il aurait été blanc comme je le suis, ça n’aurait rien changé à l’affaire. "
" L’être humain est une chose bizarre. Vous lui présentez des bouts de bras sanguinolents sur une table bien blanche, il vomit. Vous lui présentez les mêmes morceaux soigneusement tassés au fond d’un récipient en aluminium, ça le rassurerait presque Mais tout est dans la nuance. "