Une forêt édénique où vit paisible, en harmonie avec la nature un petit groupe d'humains qui se donne le nom de Clan des Hommes. Tout y est simple, on passe de case en case en fonction de son âge puis de sa fonction dans le clan. Les décisions sont communes, les aptitudes et capacités décident du rôle de chacun. Les morts sont sont laissés sans apparat sur la terre où ils retournent.
Lors d'une chasse, Roll et sa compagne Réda voient un objet percer l'obscurité nocturne. Le lendemain, la partie de chasse échappe aux pratiques ordinaires. Le clan des Hommes est à son tour objet d'une chasse mise en oeuvre par des hommes revêtus de métal et pourvus d'armes puissantes.
Tour à tour, Réda, puis Roll sont capturés. Le jeune Chasseur est bientôt emmené avec d'autres dans un lieu où sont regroupés et emprisonnés de nombreux humains. Lui qui n'avait jamais côtoyé que les membres de son Clan, qui ignorait l'existence d'autres groupes découvre la diversité humaine de son monde. Puis les prisonniers sont transportés par navettes dans un vaisseau de fer. On leur explique les planètes, l'espace, le voyage stellaire. Ils ne comprennent pas, mais débarquent douze jours plus tard sur la planète Orum.
Beauté, sauvagerie, innocence.
Laideur, civilisation, perversion.
Le monde gris puant et surpeuplé sur lequel ils sont transportés blesse leurs poumons par ses poussières, et leurs regards par sa laideur, sa grisaille, son éternelle couverture nuageuse. Esclaves, ils sont rapidement répartis entre différents groupes. Tandis que Roll est sélectionné pour les jeux, certains de ses compagnons parmi les plus âgés et les plus faibles sont dévolus à mourir aux travaux des mines et des usines.
Les habitants d'Orum ne travaillent pour la plupart pas. Les taches pour lesquelles des machines seraient trop onéreuses sont le fait d'esclaves chassés outre-planète ou de criminels. Sur Orum a été remis en application le principe de gouvernement romain : avec du pain et des jeux, le peuple ne se révolte pas.
Rapidement entraînés au maniement des armes, rapidement menés dans l'arène, les nouveaux gladiateurs y voient leurs compagnons se réduire au fil des jours, y meurent en nombre, dont Réda et Roll. Roll qui, ramené à la vie, n'a plus pour seul but la vengeance.
Mettez un sauvage dans la civilisation, il s'en tirera ; placez un civilisé dans un cadre primitif, il crèvera : comme toute règle, celle-ci comporte des exceptions, mais elle est néanmoins bien souvent vérifiable."
Un roman lyrique pas du tout onirique.
Le roman de Jean-Pierre
Andrevon
allie une grande simplicité d'intrigue avec une impressionnante richesse de la langue. Les oppositions sont évidentes (le monde vert/ le monde gris, le sauvage/le civilisé) et la démarche de l'auteur immédiatement perçue. Il livre avec ce roman, qui écrit en 1973 n'a pas vieilli, un message pessimiste sur la course au progrès et la perte de l'homme qui en résulte, la mystification du modernisme qui tout en permettant la liberté aliène celle-ci. Même si on ne partage pas forcément la noirceur du regard d'Andrevon
, on se laisse porter par la rigueur du schéma qu'il dresse avec habilité et lyrisme. Un lyrisme placé sous le patronage d'Homère, qui tout en frôlant parfois le grotesque donne à un récit archétypal une dimension humaniste.Des couacs. Certains éléments cependant dénotent dans la rigueur du texte : le langage commun non seulement à des clans vivant isolés de mémoire d'homme mais aussi aux chasseurs brillants venant d'une autre planète, et le manque d'information sur l'évolution qui a conduit la Terre à ce nouvel âge de nature.
Andrevon
balaye les réponses à ces deux problèmes d'un revers de chapitre, avec une désinvolture appuyée qui n'est guère satisfaisante, mais a au moins l'avantage d'être rapide.De la finesse. Par ailleurs, il intègre à son roman une part de complexité avec le personnage qui symbolise Orum, le Maître des Grandes Chasses. Il évite ainsi l'angélisme et le monolithisme. Au début, tout est calme et volupté, puis tout et luxe et volupté, enfin tout est un peu moins simple.