Le Guin
débute son roman de façon banale, dans un univers à peine anticipé. Son rêveur, George Orr, à la capacité par certains rêves de transformer le monde en profondeur, de changer le tableau dans le cabinet de son psychiatre, de modifier la couleur de la peau des hommes, de mettre fin à des guerres intestines et rémanentes, de … Il possède ce pouvoir depuis toujours et s’en est toujours défié. Aussi cherche-t-il à ne pas rêver. Dans ce but, il a tenté l’auto-hypnose, puis l’abrutissement par les médicaments. Cette sur médication illégale l’a amené à un traitement volontaire, et dans le cabinet du Docteur William Haber, qui l’a fait rêver.Par ces rêves sous commandement de l'hypnose, le monde a été changé, selon les directives de Haber, un homme bon. Et de simple praticien, le Docteur Haber est désormais un savant reconnu et réputé, respecté, dont George est le seul patient. Progressivement, Orr s’est senti utilisé. Il s’en est ouvert à une juriste, Heather Lelache qui a assisté à une séance, mais la chose est-elle crédible, surtout lorsqu’on voit disparaître les tours de Portland et que le souvenir d’une terrible catastrophe s’inscrit parmi d’autres souvenirs.
Les œuvres d’Ursula
Le Guin
ayant pour cadre la Terre me paraissent singulièrement plus sombres que celles se déroulant sur les planètes de l’Ekumen. Une illusion, car le dépaysement, qui joue pour les mondes de l'Ekumen, n’est pas là qui distrairait de son propos sombre, désespéré, et où cependant se glisse une certaine sérénité, comme celle qui sert de pivot au personnage principal de L’autre côté du rêve.La traduction française n’a pas me semble-t-il la qualité de celle de romans comme Planète d’exil ou Les Dépossédés. Toutefois, le roman a l’intelligence de commencer dans un quotidien, une trame science-fictive classique et de progressivement susciter un malaise allant crescendo dans le rythme et l’angoisse. Intimiste, délicat, il est une leçon de vie non dénué d’un humour grinçant et douloureux.
« Il y avait tant de mémoire différentes maintenant, tant de vies différentes qui se bousculaient dans sa tête, qu’il essayait à peine de se rappeler quelque chose. Il prenait les évènements comme ils se présentaient. Il vivait presque comme un jeune enfant, uniquement dans le présent. Rien ne le surprenait, et tout l’étonnait. »
Nommé pour les prix Hugo et Nebula, c'est finalement le Locus qui a couronné les qualités de ce court roman en 1972, adapté par deux fois pour la télévision
Il a fait l'objet d'une réédition en 2002 sous l'égide du Livre de Poche et une couverture signée JP..
Edition : Les coïncidences de lectures sont troublantes, et si j'avais lu Penser avec la science-fiction de Fredric Jameson avant d'écrire cette chronique, elle aurait certainement été plus intelligente. Jameson développe rapidement un commentaire sur L'autre côté du rêve, qui se conclut par "..., cette œuvre fascinante traite peut-être plus profondément des dangers que présentent l'imagination de l'Utopie et, plus spécifiquement, l'écriture même du texte utopique." (p.25)