« Le brouillard peut aussi venir de l’extérieur ; il peut vous envahir. A la grande fenêtre de sa bibliothèque – assemblage géant de débris de béton qui, jadis, avaient constitué une bretelle d’entrée de l’autoroute de la baie – Joseph Adams réfléchissait en contemplant le brouillard en question : celui du Pacifique. Et comme c’était le soir et que les ténèbres tombaient sur le monde, ce brouillard lui faisait aussi peur que l’autre brouillard, celui de l’intérieur, qui n’a pas besoin de vous envahir mais qui se contente de tourner et de s’étirer en vous, en remplissant toutes les parties vides du corps. D’habitude, ce brouillard-là porte le nom de solitude… »
L’histoire :
Nicolas St James est l’administrateur d’une ville, ou plutôt d’une ville bunker, enterrée au sein de la terre, comme il existe des milliers de villes souterraines à travers toute l’Amérique, et la Russie, et l’Europe. Car depuis 15 ans, les hommes attendent, complètement coupés de la surface, que la guerre entre les 2 blocs de l’Est et de L’Ouest finisse. Ils construisent des soldaplombs, les robots qui remplacent les hommes à la guerre. Jusqu’au jour ou le chef mécanicien tombe très gravement malade et nécessite une greffe de toute urgence, une greffe sans laquelle le vieil homme ne survivra pas. Et s’il meurt, le quota de fabrication ne sera pas respecté et les rations alimentaires de la surface seront diminuées. Le seul contact avec la surface est cet écran vidéo, où le chef d’état américain fait des discours qui entretiennent l’espoir, bien maigre, en bas. St James décide de passer outre les interdictions de remonter à la surface radioactive pour trouver l’organe à greffer…
Le roman du mensonge et de la falsification.
Ce roman n’est pas sans rappeler 1984 par des détails comme l’écran comme seul moyen de communication entre les concitoyens et le régime en place, par les commissaires politiques qui font respecter les consignes du gouvernement, donc un régime quasi totalitaire, ici-bas. Tandis qu’à la surface… la Terre supposée radioactive l’est elle vraiment ? La guerre entre les 2 blocs fait-elle rage ? Qui est véritablement le président qui leur déclame discours sur discours ? Autant de questions que les gens d’en bas se posent et que l’on se pose au début du roman, une fois que l’univers est mis en place par
Dick
.En 1962,
Dick
se pose déjà les questions mystiques. Son rapport à dieu se fait déjà sentir dans ce roman. L’idéalisation du président est finalement comme une adoration à un dieu. Mais ce dieu-là ne vient pas du centaure…L’univers de
Dick
.Encore une fois, tous les ingrédients chers à Philip K
Dick
sont là : la réalité à deux niveaux, les précognitifs, la valse du temps dans le futur et le présent. Autant d’éléments qui mis ensemble par le maître nous donne un ensemble déconcertant. Où est la vérité dernière?La parabole ?
On ne peut ne pas rapprocher ce roman de notre vie de tous les jours. Ce texte est terriblement actuel. Notre version de cette vérité s’appelle les médias. Les médias qui chaque jour nous jettent les informations de toute la planète. Les médias qui nous abreuvent d’informations le plus souvent cohérentes. Mais qui nous dit que ce qu’il se passe de l’autre côté de la planète se passe de cette façon ? Vinge avait appelé le réseau – notre Internet, nos forums de discussions – le lieu des milles mensonges. Mais qu’en est-il des autres médias ? Sommes nous nous aussi dans des bunkers virtuels en attente d’une libération de la vérité ?
Un très bon moment que ce roman dans la lignée des très bons
Dick
.Extraits :
« […] Et pourtant, à cause d’une nuit d’enfer, vous êtes condamnés à un destin funeste; vous payez chaque jour le prix de la folie qui vous a chassés de la surface comme les fouets des furies avaient au commencement des temps chassé du jardin originel Adam et Eve. Et ce n’est pas juste. Mais un jour, je vous l’assure, cette aliénation de vos droits prendra fin. Cette diminution de votre réalité, cette privation de votre vie légitime, cette terrible et injuste calamité, sera abolie, avec la soudaineté du cataclysme déclenché par le son de la trompette ultime. Quand viendra le jour du changement, celui-ci ne se fera pas graduellement… »