Dick
. Et commeDick
est un auteur majeur de la SF (je me retiens de dire : l'auteur majeur), cela nous donne un petit monument. Je suis revenu, donc, encore une fois, sur ce monstre du genre, avec une certaine appréhension. Dans mon cerveau restait plutôt l'image d'un récit inextricable.Il est vrai que c'est un condensé de SF. J'ai d'ailleurs souvent vu introduire le livre de cette manière : "Ubik est irrésumable".
Bon, pour la trame, c'est résumable, comme toutes les trames, mais un quart de couverture ne suffit pas.
Oui, dans ce monde futur (1992 :)!), des êtres aux pouvoirs psioniques sont employés par des firmes pour faire de l'espionnage industriel, entre autres (La Hollis). Oui, d'autres firmes proposent un antidote : des psi anti-psi. Joe Chip fait partie d'une de ces entreprises de protection, dirigée par Runciter. Joe Chip n'a pas de pouvoir psi. C'est un technicien, un peu génial, mais surtout paumé, toujours sans le sou. Ce qui est ennuyeux quand le monde est fait d'objets qui parlent, et qui demandent l'aumône pour chaque action. Runciter est sans doute plus sérieux que Joe. Patron d'une entreprise d'importance, il éprouve cependant quelques difficultés : des employés de la Hollis disparaissent un à un. Il va falloir qu'il en parle à sa femme et associée, jeune, belle, et... morte depuis pas mal de temps...
G.G. Ashwood, le recruteur, vient, lui, de dénicher un nouveau candidat pour la Runciter : Pat Conley. Outre sa beauté et son sale caractère, celle-ci possède un pouvoir exceptionnel à vous donner le vertige.
Et ce n'est qu'un début. A cet instant, nul ne pourrait imaginer la suite... On suppute, on se perd en conjecture... Comment Pat Conley va-t-elle bouleverser une trame déjà touffue ? Puis, soudain, c'est l'explosion, au sens propre comme au figuré. A cet instant, on glisse, avec les personnages, dans un pur cauchemar. Reste à s'accrocher aux bras du fauteuil...
Ubik est une trame dense et intense. On y retrouve une quantité importante de thèmes et de motifs que
Dick
avait développés précédemment. Je cite comme ça me vient...- L'omniprésence d'un être quasi-divin (on pense à "Le dieu venu du Centaure" - 1965)
- L'entropie (on peut se souvenir de "l'autiste" de "Glissement de temps sur Mars" - 1964, des nouvelles comme "Payez l'imprimeur" - 1956 - ou "la dame aux biscuits" - 1953)
- Le bouleversement de la trame temporelle (idée qu'on peut retrouver dans "A rebrousse-temps" - 1967 - ou "En attendant l'année dernière" - 1967, voire dans certains délires personnels de
Dick
quand il pense être revenu au début de l'ère chrétienne)- Le problème des réalités subjectives ("l'oeil dans le ciel" - 1956)
Etc, etc...
Ici, sans doute, une des prouesses de
Dick
est de faire tenir tout cela dans une trame plutôt claire, au final. Car ça aurait pu être un sacré foutoir !!! Et avec un intérêt toujours égal. Non seulement l'histoire est fabuleuse, maisDick
arrive à construire un monde solidement architecturé, sans oublier les petits détails nécessaires. Bref, on y croit - bon sauf les vêtements que portent certains personnages ;)Seul petit bémol, les deux dernières pages, dont je ne suis pas sûr de la nécessité, ou de la qualité. Quoi, dira-ton, il a fini par rater la fin ?... Non, pas un ratage ! Et ce n'est qu'un avis personnel. Puis, ce n'est pas vraiment une fin : à la fois, comme dans d'autres
dick
, elle ouvre de nouveaux possibles. Mais surtout, ces dernières pages font un peu office d'épilogue plus que de fin à véritablement parler.Dans tous les cas, je vous le répète : ce livre est sans doute majeur chez
Dick
. EtDick
majeur en SF.Je ne conseillerais pas forcément de commencer par celui-ci, car on le goûte mieux en ayant lu plusieurs autres ouvrages. Mais c'est une réussite.
De plus, cela m'a donné envie de relire (encore !) tout
dick
...Là, j'arrête, car je sens que je partirais dans des superlatifs incongrus, qui risque de choquer en frisant l'érotisme littéraire ;)
(édité pour correction - cf ci-dessous)