« Victor Nielsen alla chercher derrière, dans la chambre froide, un chariot de pommes de terres nouvelles et l’amena au rayon primeurs. Il commença à garnir le bas presque vide, en inspectant une pomme de terre sur dix pour s’assurer qu’elle n’était pas pourrie ni éraflée ; il en laissa tomber une grosse…. »
L'histoire :
Victor Nielsen vit avec sa femme Margo, son fils Sammy et son beau frère Ragle Gumm dans une petite ville bien tranquille en cette année 1959. Il est vendeur dans cette supérette. Ragle a une particularité : il est très connu. Son nom est dans le journal de la Gazette, en gros, encadré, tout en haut de la page des jeux. Il est vraiment célèbre car il gagne semaine après semaine au jeu « où sera le petit homme vert ? » depuis deux ans maintenant. Un jour, Sammy, en jouant dans les décombres voisines trouve un annuaire qu’il donne à Ragle. Après quelques essais, Ragle se rend compte que les numéros qui s’y trouvent ne sont pas attribués. Et il y a aussi ce journal avec des faits mystérieux…
Le jeu, la réalité etc.
Ce roman est un livre idéal pour découvrir l’univers
Dick
ien, puisqu’il contient des thèmes que l’auteur a utilisés dans bon nombre de ses œuvres.Le premier thème est le jeu. En effet, à l’instar de loterie solaire ou les joueurs de Titan, les jeux vont apparaître si triviaux et pourtant si essentiels. A croire que la vie se joue sur un coup de dés. On réalise au long sur roman que Ragle a tout intérêt de faire son jeu (et de gagner). Mais pourquoi ? C’était pour lui un passe-temps, et puis sa seule source de revenus, mais y a t-il un autre enjeu ?
Le deuxième thème est la réalité à double niveau. Comme dans presque tous ses romans, tout est dual, tout se passe sur deux niveaux, de telle sorte que l’on se pose la question se savoir si le héros est schizophrène ou bien le reste du monde qui l’entoure, ou bien si, en tant que lecteur, on a décroché, on a manqué d’attention pendant quelques lignes, si bien qu’on est perdu. Les références qui me viennent à l’esprit sont les joueurs de Titan, la vérité avant-dernière, Ubik, le dieu venu du centaure, substance mort…
Le troisième thème est le temps. Non seulement la partie visible du monde n’est peut-être (j’insiste sur le peut-être !) pas ce que l’on pense, mais on n’est plus tout à fait sûr de notre quand. Pour référence, je prendrais Ubik, ou le dieu venu du centaure. Il y a des allers et des retours dans le temps.
Enfin, le thème de la paranoïa, et de manière plus générale les maladies mentales sont au centre de l’œuvre
Dick
ienne (Substance mort, les clans de la lune alphane). L’auteur aime jouer avec ces thèmes et mettre en situation des personnages un peu dérangés, ou du moins qui semblent l’être. Là encore le jeu deDick
est de nous déconcerter, nous perdre dans les méandres de l’intrigue et des états d’âmes des personnages. Et il y arrive très bien, le bougre !Ce roman intègre tous ces thèmes, c’est pourquoi je pense que ce roman est idéal pour commencer à lire
Dick
.Un très bon roman.
Extraits :
« L’enfant qui le précédait obtint sa sucrerie et s’éloigna en courant. Ragle posa sa pièce de cinquante cents sur le comptoir.
« Auriez vous de la bière par hasard ? » Sa voix lui parut bizarrement menue et lointaine. Le vendeur en tablier blanc, casquette sur la tête, le regardait sans bouger. Rien ne se produisit. Aucun son nulle part. Enfant, voitures et vent : tout s’était tu.
La pièce de cinquante cents tomba, s’enfonça dans les bois et s’évanouit.
Je suis en train de mourir, songea Ragle. Ou bien…[…]
La buvette se désagrégea en fines molécules incolores et sans trait. Ragle se mit à voir au travers, se mit à voir la colline derrière, les arbres et le ciel. Il vit la buvette quitter l’existence, avec son propriétaire, la caisse, l’énorme distributeur de Coke et de boissons à l’orange, […].
A la place de tout ceci, une petite étiquette. Ragle tendit la main et s’en empara. Sur le papier était imprimé en capitales : BUVETTE. »
« Le problème central de la philosophie. La relation entre le mot et l’objet…qu’est ce qu’un mot ? Un signe arbitraire. Mais nous vivons avec des mots. Notre réalité se situe dans un univers de mots, non de choses. D’ailleurs une chose, cela n’existe pas, c’est un gestalt au sein de l’esprit. la « chosité »…le sens de la substance. Une illusion. Le mot est plus réel que l’objet qu’il désigne.
Le mot ne représente pas la réalité, le mot est la réalité. »