Elles ? Les Entités, créatures extraterrestres si semblables par leur aspect aux illustrations naïves des pulps (des sortes de calmars violets aux yeux d'or) mais si foncièrement étrangères, si totalement hors de portée de nos schémas de pensées pour que les hommes, dans la tourmente, puissent saisir leurs motivations ou deviner leurs plans.
Bien sûr, les peuples de la Terre tentent de résister mais que faire face à des adversaires d'une telle supériorité qu'ils semblent parfois ne pas se rendre compte que nous les combattons?
Depuis H.G.Wells (auquel le livre est dédié), le thème de l'invasion extraterrestre est solidement ancré dans la tradition SF, que ce soit pour exalter l'ingéniosité et le courage des hommes ou, bien au contraire, battre en brêche l'anthropocentrisme, à l'image de Génocides de Thomas Disch, qui déclara "Le réel intérêt dans ce genre d'histoire, c'est de voir un cataclysme dévastateur anéantir le genre humain (...) Mon intention était simplement d'écrire un livre dans lequel ne serait pas gâché cette beauté et ce plaisir à la fin ".
Bien que moins sombre que son compatriote,
Silverberg
s'oriente ici vers la deuxième voie.Le roman s'ouvre sur de gigantesques incendies ravageant la région de Los Angeles; la portée autobiographique de ce motif est incontestable tant l'auteur s'est dit marqué par des brasiers qui détruisirent sa maison et manquèrent de faire de même avec la suivante.
S’ils sont initiés par la chaleur dégagée par les tuyères des vaisseaux des envahisseurs, et d’une ampleur sans précédents, ces phénomènes trop familiers des Californiens témoignent d'emblée de la relativité de notre contrôle sur notre monde.
Apparemment omnipotentes, les Entités ne semblent voir les hommes que de deux façons : comme des esclaves, qu’ils asservissent par influence télépathique, ou comme d’insignifiants insectes. .
Dans ce tumulte à l'échelle planètaire, un fil rouge est constitué par la relation d'une saga familiale : celle des Carmichael, qui se réfugieront dans le ranch du patriarche, l'emblématique Colonel, sur les hauteurs de Santa Barbara.
Américains bon teint, blonds aux yeux bleus, prompts à entrer en résistance et agrandir leur descendance, ils courraient le risque d'être des caricatures de soap opera; mais, dans une oeuvre qui prend un malin plaisir à jouer sur les clichés et les attentes du lecteur, on saura, au fur et à mesure que chacun tentera de se situer par rapport à l'ombre écrasante du pater familias et du clan, découvrir des individus derrière une apparence de clônes et différencier un Anson (prénom familial favori et certainement une allusion à Heinlein) d'un autre.
Et puis, il y a Khalid, Pakistanais d'Angleterre au passé tragique.
Son esprit d'exception, à la profondeur tout à la fois pragmatique et mystique, lui vaudra un rôle majeur.
On peut difficilement concevoir plus éloigné des Carmichael et pourtant leurs destins seront liés.
Ce roman prend place dans la dernière période de
Silverberg
, celle qui commence avec Le château de Lord Valentin; il y gagne en volume (environ 570 pages) et inclut des éléments de cyberpunk.Pour autant, l'auteur ne délaisse pas ses thèmes de prédilection, en particulier les problèmes de communication et de compréhension entre les êtres.
Comprendre les Entités, les toucher de quelque manière que ce soit, sont des préoccupations primordiales pour les personnages, un défi monumental à relever. Aussi se basent-ils souvent sur des hypothèses, pour engager des actions qui seront lourdes de conséquences pour une multitude...
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Ecrit dans un style toujours aussi fluide, regorgeant de clins d'oeil et de mises en abîme, Le grand silence retrouve Robert
Silverberg
à son sommet.Ce qui fait dire à Pierre-Paul Duranstanti, un spécialiste du bonhomme : "Pour moi, cet ouvrage n'est rien moins que l'œuvre majeure de