"Je m'appelle Kinnal Darival, et je vais tout vous dire à mon sujet.
Cette phrase est si étrange qu'elle a l'air de me hurler à la figure. Je la regarde tracée sur la page; je reconnais mon écriture - les hautes lettres froides inscrites en rouge sur la feuille grise et rugueuse - et je vois mon nom, et j'entends en esprit l'echo de la pulsion cérébrale qui a fait éclore ces mots. Je m'appelle Kinnal Darival et je vais tout vous dire à mon sujet. Incroyable..."
L'histoire :
Kinnal Darival est né sur la planète Borthan. Une planète aux moeurs étranges. En effet, il est outrageusement interdit de prononcer le mot "je". Pouquoi et comment en est on arrivé là ? La Convention remontant à ... bien longtemps, interdit aux gens de le dire. Ainsi qu'il est proscrit de dévoiler ses sentiments à quiconque, excepté à son frère et à sa soeur par le lien, lesquels sont choisis dés la plus tendre enfance de chacun, pour la vie. On peut tout dire, être aussi proche que peuvent l'être des amants ou époux mais de manière platonique et on ne peut être amoureux de ceux-ci.
Borthan est divisé en sept grandes provinces dirigées chacunes par un septarque et Kinnal est le deuxième fils du septarque de Salla, cadet de son frère Stirron, destiné à succéder à son père. Or justement survient un accident à la chasse et le père de Kinnal est mortellement blessé devant les yeux de Kinnal. Cela signifie pour lui l'exil...
L'apprentissage.
Kinal est obligé de s'exiler pour ne pas être une menace à la cour pour son propre frère Stirron, étant l'unique héritier s'il arrivait malheur à Stirron. S'en suit tout un tas d'aventures initiatiques à Kinnal, obligé de se cacher et de parfaire son éduction, tant sur le plan professionnel que sur le plan spirituel. J'avoue que cette partie consiste en une description des moeurs moyennâgeuses, de la fuite et de descriptions du monde de Borthan. Et malheureusement, pour moi, la sauce n'a pas pris. Est-ce l'emploi de la première personne où le héro est le narrateur, ou bien le fait que ce personnage n'est spécialement pas un génie, ce que décrit très bien
Silverberg
pour le coup, mais je me suis profondément ennuyé.La cassure.
Une fois que le personnage est mûr, l'intrigue prend un tournant vraiment intéressant, dans le sens où le monde de Kinnal, bien huilé, avec les quelques imperfections de la vie quotidienne, est soudain grippé par l'arrivée d'un terrien : Schweiz. L'homme (un Suisse) blanc se révèle être plus noir qu'il n'y paraît, car sous ses apparences honnêtes et franches, il va entraîner notre pauvre Kinnal à commettre l'irréparable. Maudit terrien ! L'histoire vacille, prend de la vitesse et nous entraîne vers des abysses noires et sans fond.
Dénouement.
Heureusement que
Silverberg
avait encore un atout dans sa manche pour finir en beauté, à l'instar d'autres romans comme Le livre des crânes ou les profondeurs de la terre, pour sauver ce roman. Une fin noire, triste et excellente, bien peu optimiste, quoique...Un roman en demi-teinte, pour ma part, finalement où
Silverberg
aurait dû passer une partie des descriptions préliminaires pour aller décrire avec plus de détails la déchéance d'un pauvre homme, balloté par le destin.Extraits :
"J'étais terriblement fatigué. Je recommançais à avoir peur de Schweitz. L'amour que je ressentais pour lui était toujours présent, mais maintenant les soupçons rêvenaient. Est-ce qu'il ne m'exploitait pas ? Est-ce qu'il ne prenait pas un plaisir malsain à notre mise à nu mutuelle ? Il m'avait poussé à devenir un montreur de soi."
"Mon père était septarque héréditaire dans la province de Salla, sur notre côte orientale. Ma mère était la fille d'un septarque de Glin; il l'avait rencontrée au cours d'une mission diplomatique, et leur union se décida, paraît-il, dès le premier regard. Leur premier enfant fut mon frère Stirron, aujourd'hui septarque à Salla à la place de mon père. Je vins au monde deux ans plus tard; puis, après moi, ce furent trois filles. Deux d'entre elles sont toujours en vie. Ma soeur cadette a été tuée par des assaillants venus de Glin, il y a de cela vingt lunes."